Dernier cri

Texte de référence : Matthieu 27. 45-54

Nous voici dans les ténèbres. Certains ont pensé qu’il pouvait s’agir d’une éclipse totale mais qui pourrait le dire avec certitude ? Ce qui semble plus probable est que le ciel est maintenant fermé. Fermé par des nuages sombres interdisant tout passage à la lumière. Fermé sur le monde, fermé sur Jésus. Le contraste avec les « cieux ouverts » (littéralement : déchirés) lors du baptême de Jésus n’est que plus saisissant. Nous voici donc dans les ténèbres. Jésus est sur la croix, souffrant, agonisant d’une mort violente. 

Une mort violente. Ce n’est malheureusement pas l’information que notre esprit, évitant de nous faire souffrir, retiendra le mieux. Pourtant c’est bien d’une mort violente dont il est question.

Mais voilà, sous la plume des évangélistes, cette violence n’est pas tout à fait celle que nous attendons. En effet, ce ne sont pas tant les détails des coups de fouet ou de la somme des blessures infligées ici et là que nous lisons dans les textes de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Au contraire, ce qui est plus important pour eux, mais tout aussi violent, ce sont les dernières paroles et les cris de Jésus. Ceux-là sont bien distincts, bien détaillés. Parfois, en ce moment si noir, paroles et cris ne font plus qu’un dans la bouche de Jésus. 

Puis Matthieu finit par révéler la fin de la vie du Christ (verset 50) : « Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’esprit. »

Ce dernier cri, dont on ne sait pas ici si c’est le même qu’en Luc (“Père, je remets mon esprit entre tes mains”), indique à la fois une souffrance et une volonté hors du commun. Il ne s’agit pas ici d’une mort lente qui finit par plonger Jésus dans une inconscience consécutive à une douleur trop aiguë. Non, Jésus souffre mais il demeure pleinement conscient. Et c’est justement ainsi qu’il veut rendre l’esprit. Rendre l’esprit est chez Jésus une volonté maîtrisée, c’est un lâcher prise décidé, cela dans un cri ultime. Le cri d’un combat qu’on veut gagner en donnant sa vie, en décidant d’expirer une dernière fois, en expulsant son souffle de vie afin de mourir en rançon pour beaucoup… 

Est-ce alors un suicide ? Non, Jésus a été mis en croix, on l’a assassiné. Mais sachant qu’il va mourir, il décide de le faire consciemment, dans un cri courageux. Car sa vie, malgré son droit de la retenir, c’est maintenant qu’il l’offre au monde. C’est maintenant que lui, le Dieu de la vie, doit faire face à la mort. 

La voici la violence de la croix ; dans cette souffrance morale, dans cette souffrance spirituelle, dans ce combat. La voici la violence de la croix ; dans ce souffle qu’il doit offrir consciemment. Dans ce dernier cri. Quel sacrifice, quel mystère !  

L’épisode de ce dernier souffle nous plonge vraiment dans la profondeur de l’amour de Dieu pour nous. Et voilà pourquoi… c’est important !

Kévin Commere