« Il est très rare que l’on parle de la foi dans les déjeuners ou les dîners ! Ce n’est même pas qu’on est contre, c’est pire. Quelque chose rend cette problématique complètement incompréhensible. Alors, la spiritualité, qui fraye avec tout ce qui est de l’ordre du développement personnel, devient le mode de compatibilité de la religion avec la modernité ». L’auteur de cette déclaration ? : François Bégaudeau. Pour être certain d’être compris, il ajoute : « je suis plutôt athée mais inquiet de mon athéisme, du moins de mon absence de foi jusqu’à preuve du contraire ».
Il est risqué de faire appel à François Bégaudeau, auteur du film « Entre les murs » que vous connaissez peut-être. On ne le suivra certainement pas dans toutes ses prises de position, mais ses propos sur la foi ont de quoi interpeller. La foi devenue incompréhensible, impénétrable… Qui n’a pas cédé à la facilité de citer le fameux : « Les voies de Dieu sont impénétrables » ? Façon de suggérer avec ironie l’absurdité d’une situation et de renvoyer Dieu à ses affaires.
Le roi David aurait de quoi être attristé de ce qui a été retenu de son poème, le psaume 139 : « Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables ! Que la somme en est grande ! Si je les compte, elles sont plus nombreuses que les grains de sable ». Les voies de Dieu impénétrables ? Certes, mais impénétrables tellement elles dépassent les capacités du cerveau humain. De quoi rabattre les prétentions des ironistes.
Dans le brouhaha ambiant, la foi est devenue une étrangère. L’évoquer en société est une offense à la convivialité ; on élude le sujet en termes moqueurs ou gênés. Les spiritualités par contre, sont tendance : celles qui parlent d’énergie, de méditation, de développement personnel. Et ces nouvelles spiritualités light gagnent chaque jour de nouveaux adeptes. Mais parler de foi en Dieu, s’il vous plaît, vous savez que ça ne se fait pas.
Quand on évoque une telle foi chez quelqu’un, on parle de « croyant », voire de « très croyant ». Bref, se distinguant du lot courant des « un peu croyants », ou « pas très croyants ». Toute une hiérarchie de croyants qui, effeuillant on ne sait quelle fleur, croiraient un peu, beaucoup, à la folie… pas du tout. Pas toujours au fait de ce en quoi ils croient, mais intéressés par les offres spiritualistes les plus diverses ou exotiques.
La véritable foi a un problème. Son point de départ est Dieu réalisant par Jésus-Christ son projet de réhabilitation d’une création abîmée par les hommes. Avec un programme laissé par Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie. Nul ne vient au Père que par moi ».
Comment faire cohabiter une telle offre sans échappatoire avec des spiritualités dont le bien être personnel est le seul point de départ (et d’arrivée ?) de celui ou celle qui y souscrit ? Moins qu’une voie fructueuse, remplacer Dieu par mon nombril a tout d’une voie… sans issue !
Pierre Lugbull