Je l’ai vu en vrai !
Pour avoir séjourné quelquefois dans des chambres d’hôtes, je garde le souvenir de belles rencontres. Les grandes tablées du soir sont l’occasion de discussions parfois inattendues. Mais il est parfois des convives aux centres d’intérêt étonnants. Ainsi, lors d’une soirée animée, les convives rivalisaient de références aux émissions de « téléréalité » dont ils maîtrisaient parfaitement les codes. Le sommet fut atteint lorsque l’un d’eux, brandissant fièrement son smartphone, fit admirer sa plus belle prise : un magnifique premier plan du champion du cri du cochon ! Incroyable, il avait vu en vrai cette célébrité. De quoi bouleverser durablement une vie…
Allons, ne nous moquons pas ! J’ai le souvenir, adolescent, d’être allé à Belfort voir le Général de Gaulle. Je n’étais pas peu fier d’avoir réussi un cliché en gros plan – noir et blanc bien sûr – de ce grand homme. Oui, je sais, la comparaison avec le champion précédent est peut-être mal venue… Mais reste un point commun, le besoin d’affirmer aux yeux de tous : « j’y étais, je l’ai vu en vrai ! ».
A l’heure des transmissions électroniques où tout est copiable et falsifiable, comment certifier le « je l’ai vu en vrai » ? Décrire, au retour du Louvre, notre ressenti devant « La Joconde » n’a que peu d’intérêt. L’important est le privilège, après une longue attente, d’avoir été en présence du tableau. Et pour cela, rien de mieux qu’un selfie, notre œil bien centré vers l’objectif. 15 secondes chrono et au suivant ! Tant pis pour le génial Léonard, sa maîtrise technique attendra une autre fois un regard plus attentif.
Que peuvent bien avoir en commun la Joconde, le Général ou le champion du cri du cochon ? Rien ! Et pourtant leur célébrité médiatique, même très relative, les réunit dans le besoin d’admirateurs de se montrer en leur compagnie. Un moyen de capter un peu de leur célébrité et de la vivre par procuration.
Jean, un jeune homme du 1er siècle, a eu le privilège d’avoir « vu en vrai » un certain Jésus. Rien de comparable avec les célébrités précédentes : la renommée de Jésus n’a pas dépassé les limites régionales. Mais Jean a passé plus de 3 ans avec lui, bien plus que quiconque avec la Joconde. Bien sûr, à l’époque, pas de selfies sous-titrés : Moi et Jésus en Galilée, Moi et Jésus à Jérusalem, Moi et Jésus au Mont des Oliviers… Jean a simplement rédigé quelques dizaines de pages sur cette expérience.
En feuilletant son récit, on s’aperçoit vite que Jean s’attarde à connaître en profondeur ce Jésus qui a accroché son regard. Il est avide d’en savoir plus. S’il recherche sa présence, ce n’est pas pour la photo souvenir. C’est parce qu’il acquiert la certitude que ce Jésus est vraiment, comme il l’affirme, le chemin, la vérité, la vie. Et sa vie, à lui, Jean, en dépend.
Vous aussi, aimeriez découvrir Jésus en vrai ? Pour entrer dans son intimité ou pour la photo ?
Pierre Lugbull