Le détail qui bouscule les certitudes

A Montbéliard, le temple Saint-Martin s’enorgueillit du titre de plus ancien édifice de France construit pour le culte protestant. Pour être juste, en ce 17ème siècle naissant, Montbéliard était encore possession de princes germaniques… Récemment, le vénérable édifice a réservé une surprise aux docteurs en bâtiments historiques : sous l’enduit uniforme des murs, apparaissent des fresques colorées. Pourtant, chacun sait que l’austérité protestante ne s’accommode que de l’humilité du gris… Une certitude qui devra rejoindre le placard des idées reçues. 

Ce temple figurait parmi les fréquentations d’enfance d’André Parrot, pasteur du siècle dernier. À cette époque, il était de bon ton de considérer les récits bibliques comme légendaires. Lui, désirant faire émerger des sables du Proche-Orient la réalité concrète de ces récits, se forma en archéologie. Ses expéditions aventureuses l’amenèrent même à voyager avec Agatha Christie ! Mais, plus sérieusement, ses découvertes le propulsèrent jusqu’à la direction du Musée du Louvre. L’archéologie biblique devenait discipline universitaire. De quoi écorner l’affirmation péremptoire de la nature légendaire des récits bibliques.

Depuis, l’archéologie biblique passionne toujours autant, aussi bien érudits que néophytes. Les documentaires sur ce thème fleurissent dans les médias. Ainsi, en 2020, une émission fut consacrée à l’Arche de l’Alliance, ce coffre témoin de l’alliance entre Dieu et son peuple. Thème alléchant, ce coffre ayant disparu au cours des tourments de l’histoire. L’Ancien Testament le décrit au temps de l’itinérance du peuple hébreu, siégeant sous une tente au gré des déplacements. De façon surprenante, le documentaire télévisé privilégie d’entrée la recherche d’un sanctuaire monumental, seul abri valable d’un objet aussi sacré. Et bien sûr, apparaissent entre Jérusalem et Samarie les fondations du sanctuaire adéquat, même si la déesse Astarté y tient la place centrale. Cela n’exclut pas le dieu local des Hébreux. Ah bon ?

Le lecteur de la Bible objectera que le coffre d’abord abrité dans une tente, intégra ensuite le Temple construit par le roi Salomon. Regard condescendant des spécialistes : les tribus de cette région étaient des nomades pauvres et sans culture, incapables de construire un tel sanctuaire ; les rois Salomon ou David sont des mythes créés pour unir les tribus hébraïques dans une histoire nationale.

Quelques mois après cette émission, en janvier 2021, des archéologues exhument au sud de Jérusalem un morceau de tissu teinté de pourpre, daté d’environ 1000 avant Jésus-Christ. Découverte révolutionnaire à leurs yeux : cette couleur extraite de coquillages valant plus cher que l’or n’était accessible qu’à des personnages prestigieux… Il existait donc une culture nomade raffinée dont la grandeur résidait en d’autres valeurs que les monuments imposants… Et en ces lieux, à cette époque, quels autres personnages prestigieux que les rois David ou Salomon ?

Jusque-là, on savait que David et Salomon étaient des mythes, comme on savait que les sites bibliques étaient légendaires, comme on savait que les temples protestants n’étaient pas décorés… 

Au moins autant que ceux « qui savent », la Bible pourrait nous rendre plus clairvoyants quant à nos certitudes… et pas seulement en archéologie.

Pierre Lugbull