Tenue correcte exigée

Il y a quelque fierté à être mandaté par ses concitoyens pour accéder aux ors du Palais Bourbon. Simple citoyen hier, le député fraîchement élu devient un personnage qui compte. Cité lors de cérémonies officielles, on lui donnera du Monsieur le Député ou Madame la Députée.

Pour asseoir sa crédibilité, il lui faudra une tenue vestimentaire à la hauteur de la fonction. Ah, la cravate ! L’accessoire indispensable témoignant de la qualité de l’élu et du sérieux de son travail. Que nenni ripostent certains ! Un représentant du peuple se doit par sa tenue d’illustrer fièrement ses racines populaires. Rien de tel que le maillot de son club de foot amateur ou le bleu de travail du travailleur manuel. Etrange quand même que les femmes réputées pour leur sens de la mode soient oubliées …

Anecdotiques ces questions vestimentaires ? Détrompez-vous ! Quelle crédibilité aurait un chef s’il ne se distinguait pas de ses sujets par sa tenue ? Une réalité aussi vieille que l’humanité. Le pouvoir politique n’est pas seul à l’avoir compris ; toutes les religions l’ont intégré. Le pouvoir spirituel ne peut s’imposer sans vêtements sacrés. Le christianisme n’y a pas échappé, revêtant son clergé de vêtements de plus en plus somptueux au cours des siècles. Une nécessité pour glorifier le Dieu Saint affirmaient les uns. Au contraire ont protesté d’autres, le Christ n’est honoré que par une tenue humble, à l’image de Jésus.

Evêques flamboyants ou moines portant la bure se rejoignaient quand même sur un point : leur tenue témoignant du sacré de leur fonction les différenciait du peuple. Et comme tous les humains accédant à un certain statut, bien des moines ou des évêques, aveuglés par leur aura, sont tombés dans les pires déviances. Aucun vêtement ne les en a préservés. Au 13ème siècle, le Pape Grégoire IX en dressa le constat par une formule passée à la postérité : « l’habit ne fait pas le moine ». Pour traquer le mal, il décida alors de créer l’Inquisition. Était-ce une idée inspirée d’en haut… ?

Si l’habit ne fait pas le moine, ferait-il le député ? Ou alors faut-il créer une nouvelle inquisition – laïque bien sûr ! – pour débusquer les indignes de la République ? Pas de précipitation ! Les réseaux sociaux sont là, veillant à l’ordre moral, traquant avec zèle les déviances des élus, ces nouveaux moines laïques… 

S’il en est un dont l’autorité ne devait rien à son habit, c’est bien Jésus. Vêtu d’une tunique sans ostentation, pas volontairement misérable non plus, sa qualité ayant été jugée suffisante par les soldats romains pour qu’ils se la disputent. Jésus se plaisait à caricaturer les responsables politico-religieux de son époque, attentifs à leur vêtement et à leur popularité. Mais plutôt que d’appeler à leur lapidation, il invitait ses contemporains à s’interroger, par contraste, sur la pureté de leurs propres comportements.

Mais alors, si on écoutait Jésus, que nous resterait-il pour meubler nos conversations ? Et de quoi vivraient les réseaux sociaux ? Encore une fois, qu’importe, l’essentiel est ailleurs…

Pierre Lugbull