Confinement bienfaisant

« Restez chez vous ! ». Le Français n’aime ni les impératifs ni la discipline, mais la peur diffuse d’un ennemi invisible finit par avoir raison du plus rétif. Nous voilà donc gagnés d’une sorte d’anesthésie générale. Avec une inquiétude : privés de la frénésie des activités indispensables, à quoi occuper ce temps de confinement ?

A la fin de cette année 2020, cela fera 10 ans que j’entrais en confinement pour une durée prévue d’environ 3 semaines. En cause déjà : un tout petit organisme, une gammaglobuline se clonant de façon anarchique. Après quelques mois de traitement, était venu le temps du confinement pour aborder le stade final destiné à combattre l’hôte indésirable. La chambre avait tout le charme d’une chambre d’hôpital, le personnel s’y aventurant le moins possible, revêtu de pied en cap, seuls les yeux étant apparents. Restait le téléphone à portée de main en cas de besoin.

Parmi les souvenirs marquants, celui des quelques objets personnels autorisés et devant être passés aux ultraviolets avant le confinement. Parmi eux, une bible refusée parce que jugée trop usagée… Etre infecté par la Bible, le comble du risque ! Allons, un peu de raison, ne confondons pas l’objet et le contenu ! En réalité, je bénéficiais d’un précieux recours : la Bible en ligne grâce à l’ordi portable désinfecté au préalable. J’étais donc isolé mais pas du Seigneur, isolé sans avoir à souffrir de solitude.

Alors que le traitement affaiblissait mon corps progressivement, j’aimais contempler le soir tomber sur la colline en face de ma fenêtre, lumière éteinte pour mieux apprécier. Paix tranquille des dernières lueurs d’une soirée d’hiver sur la création de Dieu, spectacle magnifique et apaisant. C’est lors d’une de ces soirées qu’une soignante entrant dans la chambre s’exclama : Vous ne vous sentez pas bien ? Pourquoi n’avez-vous pas de lumière ? Pourquoi ne regardez-vous pas la télé ? Voulez-vous voir notre psychologue ? J’ai tenté de lui faire comprendre combien la contemplation de la création me rendait paisible, mais le lendemain les soignants du jour ont enquêté discrètement sur mon état psychologique. Ils ont dû être rassurés car ils ne sont plus revenus à la charge.

Me vient aussi le souvenir d’un tout autre confinement, celui d’une vieille dame clouée chez elle dans son fauteuil. De jeunes gens pétris de charité chrétienne la visitaient quelquefois, trop rarement. Et chaque fois le même ébahissement face à ses questions : où en sont tes études depuis l’an passé ? que fais-tu maintenant ? Au point d’oublier de parler d’elle. Isolée et pourtant totalement présente dans son intérêt pour les autres. Isolée, mais ignorant la solitude.

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » affirme le Seigneur, mais il conseille aussi : « Quand tu veux prier, va dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui est là… il sait ce qu’il te faut, avant que tu le demandes ». Qui a dit que confinement rimait avec solitude insupportable ?

Pierre Lugbull