Vous avez l’heure ?

« Excusez-moi, vous avez l’heure s’il vous plaît ? ». Voici une phrase qui, dans une ère aussi connectée que la nôtre, a perdu de son utilité. À l’heure des ordinateurs portables, des tablettes, des smartphones et autres écrans en tout genre, nous avons l’heure partout autour de nous et pas seulement à nos poignets ! D’ailleurs, nombreux sont ceux qui abandonnent la montre classique au profit du smartphone. Plus besoin de montre quand on a, dans la poche, un outil nous rappelant tous les rendez-vous de la journée ! Impossible donc, de ne pas avoir idée de l’heure qu’il est. Vraiment ? 

Dans l’Antiquité, il était extrêmement difficile de dire l’heure avec exactitude. À tel point qu’il était coutume de dire qu’accorder les philosophes entre eux était plus facile que d’accorder les horloges (Sénèque) ! Comme on l’imagine, les cadrans solaires placés ici et là ne renseignaient ni minute ni seconde ! À l’époque, on ne pouvait compter que les heures, et le soleil (quand il n’était pas caché derrière les nuages) était le point de référence le plus commode. Seuls les plus fortunés pouvant s’offrir des montres de poche (solaria) ou à eau (pour les savants : clepsydres !) avaient une idée plus exacte de l’heure. Mais pour tous les autres, il faut savoir que les journées romaines étaient toutes organisées de la même manière. Ainsi le rythme des salutations matinales, des audiences publiques, des thermes, des jeux et autres habitudes sociétales permettait à tous de s’y retrouver. Les montres n’étaient peut-être pas disponibles pour le plus grand nombre, mais ce n’était pas le chaos pour autant. Et puis, avec des heures élastiques, impossible d’être en retard ! Plutôt cool la vie à la romaine ! 

À l’inverse, notre société court sans cesse après le temps ! Que l’on soit actif ou non, on passe d’un rendez-vous à un autre en un rien de temps. Dans cette course effrénée, chaque minute compte. Un simple ralentissement ici ou là et vous voilà en retard ! Les Romains d’antan n’auraient pu nous jalouser sur ce point. Quel stress de devoir gérer toute cette urgence… 

Mais l’urgence n’est pas seulement liée à nos emplois du temps personnels. Lors de la COP 26 réunie à Glasgow, les dirigeants du monde se sont rencontrés pour traiter de la question climatique. Le premier ministre britannique Boris Johnson, hôte du sommet, n’a pas mâché ses mots : « L’humanité a longtemps joué la montre sur le climat. Il est minuit moins une […]. Nous devons agir maintenant. ». Et il n’a pas tort… Des dégâts sont observés dans le monde entier. Plus question de parler des îles lointaines qui disparaîtront un jour, englouties par la montée des eaux. Non, car bien que sur le sol européen, nous sommes déjà concernés ! Que dire de cette église en bord de falaise à Varengeville-sur-Mer (France) qui menace de tomber dans les flots de la Manche à cause de l’érosion ? La vue y est splendide certes, mais l’avancée de la mer (via le réchauffement climatique) pourrait faire disparaître l’édifice d’ici 30 ans, nous révèle France Info. Pas tout à fait minuit moins une, mais quand on sait que l’édifice tient depuis le 11ème siècle, 30 ans, c’est demain !

« Minuit moins une ». C’est aussi l’expression que plusieurs prédicateurs « apocalyptiques » utilisaient pour avertir les foules et les encourager à « se convertir » avant la fin du monde. Décidément, le temps passe mais la thématique de l’urgence en vue du changement reste d’actualité…

À la romaine, façon moderne, climatique ou spirituelle, quelle que soit notre façon de compter les heures, il importe de discerner le temps dans lequel nous vivons. Jules Jouy, un poète français disait : « L’heure c’est l’heure ! Avant l’heure ce n’est pas l’heure, après l’heure, ce n’est plus l’heure ! ». Quant à la Bible, elle joue les équilibres en nous révélant à la fois qu’il y a un temps pour tout sous le soleil (cf. Ecclésiaste 3), mais aussi que tout connaîtra une fin, y compris le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui (Matthieu 24. 14). Pour ne pas être totalement surpris, mieux vaut s’y préparer ! Et comme on dit, le plus tôt est le mieux !

Kévin  Commere