Il faut sauver Noël !

Insidieuse, l’interrogation effleurait les esprits depuis quelque temps, mais qui aurait osé l’exprimer dans toute sa crudité ? Il est des choses que l’on ne peut dire à haute voix sans risquer d’attirer le malheur. Mais le fait est là : Noël est en danger, son pronostic vital est même engagé.

Qui pouvait imaginer qu’autant de voix s’élèveraient pour appeler à sauver Noël, alors que, ces dernières années, ce simple nom portait un préjudice évident à l’ordre public. Offrir une crèche à la vue n’était-ce pas une provocation ? Pensez donc, si un enfant venait à demander ce qui y était représenté… De quoi frissonner rétrospectivement au traumatisme que pourrait subir cette âme innocente. 

Mais voilà, un virus aura suffi pour que Noël soit à nouveau plébiscité. Noël est en péril, il faut en sauver la « magie ». Dans cette course à la survie, une distinction est apparue : il y aurait l’essentiel et le non-essentiel. La frontière est âprement disputée : comment accepter que son activité ou ses besoins soient classés non-essentiels ?

Ainsi, combien d’enfants survivraient à un manque de jouets ? Combien d’adolescents ou d’adultes risqueraient de sombrer dans le désespoir sans l’indispensable cadeau connecté ? Combien de femmes oseraient paraître sans bénéficier des soins esthétiques vitaux ?

Je vous entends déjà : on te voit venir, avec ton sermon moralisateur : Noël défiguré par la frénésie de consommation. Un Noël dépouillé, sans repas copieux, sans sapin, sans cadeaux, c’est tout ce à quoi on aurait droit ? Déjà qu’on doit subir toute une gamme d’interdictions…

D’accord, reprenons donc les attentes répétées à l’envi : « Il faut se réinventer » ! Changer n’est pas si aisé que cela. Pourtant l’attente est ancienne. « Changez de comportement, reprenez une autre route, sinon vous courez à votre perte » disait déjà Jésus. Plus qu’un conseil : il s’offrait lui-même comme chemin de vie pour nous, quitte à y laisser la sienne. Et il est bien allé jusque-là.

Depuis, il ne cesse d’appeler : « Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi » (Apocalypse 3.20). Le voilà donc le Noël réinventé : c’est bien sa venue que nous fêtons, n’est-ce pas ? Alors, confinés à Noël, seuls ? Mais non ! Préparons une belle table décorée, mijotons de bons plats, habillons-nous avec soin… Jésus se réjouit d’avance de fêter Noël avec nous.

Quand Jésus promet quelque chose, il le tient. Si nous le laissons entrer, il s’attablera avec nous comme un ami. D’ailleurs il a toujours aimé les bons repas. Ce sera aussi un moment de conversation amicale et joyeuse alimentée par ses propres paroles, rapportées par les auteurs des évangiles. Bonne table et échanges bienfaisants, nous aurons fait davantage que sauver un Noël… confiné. 

Pierre Lugbull