Sans patates…

En 1845, un champignon parasite faisait sa grande arrivée en Irlande, pays roi de la pomme de terre. Ce champignon donnant lieu à ce qu’on appelle aujourd’hui le mildiou a provoqué des ravages extrêmement importants dans tout le pays. Sans mauvais jeu de mot, les Irlandais se sont retrouvés sans patate, et une famine sans précédent a fini par éclater dans tout le pays. 

Comme aujourd’hui, la brusque apparition de cette maladie (épiphytie en langage savant !) a donné lieu à une crise humaine, sociale, politique et économique. En plus de provoquer un nombre important de décès, la crise a également révélé des comportements humains lamentables. En effet, malgré leurs grandes réserves alimentaires, les Britanniques ont refusé de partager leurs ressources avec leurs voisins directs. Il n’en fallut pas moins pour créer une révolution nationaliste irlandaise. Un certain John Mitchel prononça alors une phrase retenue par l’histoire : « Le Tout-Puissant, en effet, a envoyé le mildiou, mais les Anglais ont créé la famine ». 

Voilà une idée qui a de quoi interpeller chrétiens et non chrétiens confondus ! 

Confrontés à une terrible épreuve, les animaux trouvent toujours un moyen de reconstruire. Je pense notamment aux insectes fourmis qui s’agitent dans tous les sens et communiquent entre elles afin de s’organiser pour ériger un nouvel habitat et ainsi se relever de la catastrophe subie. Mais il semble que les hommes, si évolués soient-ils, ne parviennent pas ou que peu à mutualiser leurs efforts pour combattre les crises. Nos étalages de papier toilette n’ont-ils pas été vidés lors des premières annonces de confinement ? Idem pour le gel hydroalcoolique en pharmacie. Qu’en sera-t-il pour les vaccins prévus prochainement ? L’Europe va-t-elle se déchirer comme les Irlandais et les Britanniques au plus fort de la crise de la pomme de terre en 1848 ? 

En attendant, réfléchissons à nouveau à cette phrase : « Le Tout-Puissant, en effet, a envoyé le mildiou, mais les Anglais ont créé la famine ». N’est-elle pas criante de vérité ? Je le crois. Elle dit notre manque d’humanité, nous l’avons vu, mais elle accepte aussi avec humilité ce que nous ne pouvons maîtriser. Car il y a des micro-organismes infectieux avec lesquels nous devons apprendre à cohabiter. Des organismes qui nous forcent à dire, comme on l’entend si bien en ce moment : « nous n’avons pas le choix, il va falloir apprendre à vivre avec ». 

Ce que je crois c’est que Dieu ne saurait être tenu pour seul responsable de nos misères. Ce n’est pas Lui qui larguait les bombes lors des guerres mondiales. Ce n’est pas Lui non plus qui, aujourd’hui, fait voyager le virus de régions en régions, de pays en pays. 

La question que nous pose l’histoire des patates, ou plutôt l’Histoire tout court ! est celle de notre responsabilité. Jusques à quand allons-nous rejeter la faute sur Dieu alors que Lui nous demande une seule chose : nous aimer les uns les autres. Nous aimer les uns les autres, n’est-ce pas aussi se protéger les uns les autres pour vivre avec le virus actuel, accepter de moins se déplacer, de moins faire la fête avec d’autres, de ne pas stocker abusivement gel et autres vaccins utiles, etc. ? 

Dit comme cela, ça peut paraître un peu fleur bleue ! Pensez-vous ! Ce n’est pas avec l’amour du Christ qu’on va éradiquer le virus ! Mais en attendant, allez demander  si un peu d’amour, et de patates (douces !) de leurs voisins britanniques ne les auraient pas aidés à survivre !

Kévin Commere