Niveau d’huile…

Quand je les regarde, je les trouve belles. Quand je les utilise, je les trouve très pratiques. Mais quand j’ai le moindre souci avec, elles m’agacent, me font perdre du temps, et surtout… de l’argent. Mais quels sont donc ces objets de si grande utilité provoquant chez moi autant d’inquiétude et de frustration ? Sans appel, ce sont les voitures ! 

L’histoire commençait pourtant très bien ! Jamais, depuis ma tendre enfance, je n’ai eu le souvenir d’accompagner mes parents au garage pour faire réparer quoi que ce soit. Je n’avais jamais entendu parler de révision ou pose de pneus hiver. À vrai dire, mes parents changeaient souvent de voiture et, je le dois l’avouer, n’optaient jamais pour des voitures françaises. Au contraire, c’étaient plutôt les berlines allemandes aux belles courbes (aussi bien qu’aux belles sommes !) que mon papa convoitait. Forts de cela, lui et moi visitions plus souvent les concessionnaires aux commerciaux encravatés que les garagistes aux mains pleines d’huile et de graisse. 

Malgré ces bons débuts, mon histoire n’a pour ainsi dire, pas emprunté les mêmes itinéraires… Des marques utilisées en passant par la fréquence de mes visites chez le garagiste, mon père et moi n’avons pas eu tout à fait les mêmes plaisirs automobiles…

La preuve encore quand, prêt à partir avec les enfants, je décide de porter plus grande attention au bruit du moteur du véhicule. Plutôt que prendre la route en m’inquiétant tout au long du trajet, couper le moteur et lever le capot m’a semblé la meilleure option. Quelle ne fut pas ma surprise en constatant un niveau d’huile très peu flatteur ! Mais comment l’ordinateur de bord a-t-il pu laisser passer cela ? m’écriai-je tout en mettant le contact pour scruter à nouveau les informations apparaissant à l’écran. Après quelques secondes, l’information recherchée s’afficha : « niveau d’huile à réajuster ». Mais pardi ! Il ne s’agissait pas d’un simple réajustement mais d’un généreux remplissage d’un réservoir laissé pour vide ! Ni une ni deux, relevant les manches, je procédais aux premiers soins devant les enfants impatients… 

« Niveau d’huile à réajuster ». Cette information n’a cessé de hanter mon esprit. Elle n’était pas entièrement fausse, mais pas entièrement vraie non plus ! Car c’est le moteur tout entier qui aurait pu cesser de fonctionner. Pas de moteur, pas de voiture ! Dans pareil cas, j’étais en droit de recevoir un avertissement un peu plus conséquent ! On ne dit pas « votre enfant n’a pas mis ses brassards » à des parents qui n’ont pas vu que leur progéniture était malencontreusement tombée dans l’eau de la piscine  ! C’est l’alerte rouge qu’il faut sonner ! Urgence absolue ! 

Loin de moi l’idée de comparer la vie humaine avec la vie d’un objet-outil si utile soit-il. Cependant, l’avertissement « niveau d’huile à réajuster » pourrait faire penser aux communications que nous avons les uns avec les autres. L’air du temps nous amène très souvent (trop ?) à dire les choses avec bienveillance, ou sur le ton de la diplomatie. En plus d’être beau et bon, tout cela est souvent nécessaire ! Mais un penseur dont la sagesse a été compilée dans le livre biblique de l’Ecclésiaste, n’a pas hésité à dire qu’il y avait (malheureusement ou heureusement) un temps pour tout ! Un temps pour s’embrasser, et un temps pour se séparer des embrassades, etc. Nous pourrions conclure de même quant à la diplomatie et à la bienveillance. Ces dynamiques sont bien évidemment nécessaires, mais parfois, il y a urgence ! Et dans l’urgence, ce sont des avertissements forts, audibles et clairs qui s’avéreront les plus efficaces. 

Idem dans l’annonce de l’Évangile. Le risque, c’est que nos communications bien construites et bienveillantes à souhait passent pour de chouettes petits conseils dont on se passe volontiers. À l’inverse, ne soyons pas de ceux qui crient haut et fort sans arrêt non plus ! Un savant équilibre est donc à trouver. Mais quand faute “d’huile”, le “moteur” risque la panne, c’est plus qu’un gentil message qu’on devrait envoyer ! 

Kévin Commere