Abandonné ?

Mon voisin sait tout faire. C’est bien simple, dès qu’il s’agit de concevoir quelque chose, ses yeux pétillent et le voilà entré dans son terrain de jeu préféré. Au moment de l’installation de ma nouvelle cuisine, je n’ai donc pas hésité à lui demander de l’aide pour la pose d’un carrelage mural. Robert est venu m’aider avec grand plaisir ! Et plus que cela, il a passé du temps à expliquer chacun de ses gestes au néophyte que je suis malheureusement toujours. 

Puis au bout d’un moment, à ma grande surprise, il a posé ses outils, s’est lavé les mains et est retourné chez lui, me laissant seul avec les miens…  Abandonné, les mains sales et sans assurance de pouvoir réussir sans son aide, je ne savais que faire. Fallait-il nettoyer et ranger le matériel en attendant son secours un autre jour ? ou continuer le travail fort des notions apprises quelques minutes plus tôt ? 

Avec audace, je pris la décision de continuer le chantier. Après tout l’erreur est humaine ! Le plus important n’est-il pas d’essayer, de se lancer ? Et puis, m’étais-je dit : « c’est ma maison, ma cuisine, pas la sienne ! C’est donc à moi de me débrouiller ! ». Ce que je fis. 

Quelques minutes plus tard, je fus surpris par le retour de mon voisin ! En effet, sans que je le sache, il s’était mis en tête de me donner l’opportunité de poser moi-même mon carrelage après m’avoir enseigné les bases. Après avoir inspecté mon travail, il m’a félicité, m’a encouragé à continuer et s’en est allé aussitôt ! Super voisin n’est-ce pas ? Quelle pédagogie ! 

Je repense à cet épisode avec beaucoup de reconnaissance. Et de fait, il me rappelle le temps passé avec mes enfants à leur enseigner à faire du vélo. Les enfants montent sur la selle, posent les pieds sur les pédales et se mettent en route, suivis de près par papa ou maman. « Ne me lâche pas » disent-ils régulièrement en se retournant. Puis vient le temps où ils finissent par s’apercevoir que papa (ou maman) est loin derrière, et qu’enfin, ils savent faire du vélo tout seul, comme des grands ! 

Personne n’oserait critiquer une telle pédagogie tellement elle a fait ses preuves. Ces deux exemples le montrent bien. Mais une question me taraude : d’où viendrait cette idée « d’abandonner » l’autre à des fins pédagogiques ?! Je n’ai pas la réponse mais constate que cette pédagogie n’est pas tout à fait étrangère à celle de Dieu. Voici par exemple ce que nous lisons dans la Bible au sujet d’un roi d’Israël du nom d’Ézéchias lors de la visite piège d’émissaires étrangers : « Ainsi, lors de la visite des dignitaires babyloniens envoyés pour s’informer sur le prodige réalisé dans le pays, Dieu l’abandonna et le mit à l’épreuve pour savoir tout ce qu’il avait dans le cœur » (cf. 2 Chroniques 32.31). D’autres, comme lui, ont été mis à l’épreuve. On se souvient de l’épisode d’Abraham allant sacrifier son fils avant que Dieu ne l’arrête d’un « […] je sais maintenant que tu crains Dieu […] » (cf. Genèse 22). 

Sans les abandonner complètement, Dieu met les hommes à l’épreuve… Il les regarde et attend d’eux qu’ils se conforment à l’enseignement reçu de lui. Cette mise à l’épreuve Lui permet, mais surtout aux hommes, de voir où ils en sont. Dans la mesure où ils en comprennent l’enjeu, cette mise à l’épreuve leur permet de grandir.  De grandir malgré l’épreuve ! Et parfois même, de triompher de l’épreuve ! 

Je ne suis pas un grand fan de ceux qui évacuent trop rapidement les souffrances des autres pour la simple raison que celles-ci participeront à leur formation ! Ceci étant dit, fondamentalement, c’est comme cela que nous apprenons. C’est aussi à travers elles que nous grandissons. 

Le Seigneur, s’il nous abandonne momentanément, sait ce qu’il fait. Donnons-lui donc de la joie à constater notre persévérance et notre foi en Lui malgré les tempêtes ! À la fin de l’épreuve, tel le Père qu’il est, il pourrait nous dire fièrement : Bravo ! Tu as cru jusqu’au bout, tu y es arrivé ! Oui, il est des fois où nous nous sentirons abandonnés. Des moments où nous ne sentirons plus ni la présence ni l’amour de Dieu pour nous. C’est pourtant justement dans ces moments que le Seigneur verra tout ce que nous avons vraiment dans le cœur.

Prenons courage, celui qui sur la croix s’est écrié « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » est le même qui s’est montré vivant, victorieux à la droite de Dieu après l’épreuve !

Kévin Commere