Le virus circule

Le virus circule ! Depuis des mois, nous l’aurons entendue cette formule, assénée comme une évidence, répercutée comme un écho sans fin. L’avalanche de chiffres accompagnant cette alerte en apporte la preuve aussi inquiétante qu’irréfutable. Tout ce qui est chiffré ne peut relever que d’une vérité scientifiquement prouvée : le virus circule !

Et si cette « vérité » relevait davantage du slogan que de la réalité ? Serais-je donc devenu un de ces négationnistes complotistes ? Loin de moi l’idée de nier la virulence de ce virus ! Mais, comme toute bonne phrase, la formule choc « le virus circule » contient un sujet et un verbe. Le virus – bien réel – circule – tout seul – traversant d’un coup le pays, des cités urbaines vers les plages, pour y guetter l’arrivée des touristes. Voilà le virus étiqueté méchant et vicieux.

Mais ne serait-ce pas plutôt les humains qui circulent, transportant avec eux le virus, en toute insouciance ? Mais cela sous-entendrait que les responsables de la pandémie, ce sont eux, au moins autant que le virus. Message inacceptable. Trop culpabilisant ! Mieux vaut entendre « le virus circule ». Lui faire obstacle relève alors de la seule responsabilité des scientifiques et des politiques.

Bien avant la survenue de ce virus, les mêmes façons de s’exprimer étaient déjà bien ancrées. Pour en rester au thème de la circulation, ne lit-on pas régulièrement : « La route tue ». Etonnant de prêter un tel pouvoir à un objet inanimé. Plus étrange encore que le projet mortifère attribué au virus, organisme vivant. Est-ce la route qui tue ou bien des conducteurs manquant de prudence ? Pour avoir pratiqué des pistes africaines, je sais combien la route défoncée ne se révèle traîtresse que lorsque la vigilance se relâche.

Dénoncer le virus ou la route est une façon d’exclure toute responsabilité personnelle. Une façon surtout de se présenter comme victime innocente, victime d’un sort injuste autant que maléfique. Avec la bénédiction d’une société soucieuse de pourchasser toute idée de culpabilité personnelle. La vieille technique du bouc émissaire auquel on attribue tous les maux dont on s’estime innocent.

Bouc émissaire ? C’est méconnaître son rôle tel que la Bible le présente : « Le prêtre pose les deux mains sur la tête du bouc et il énumère sur lui tous les péchés, les révoltes et les fautes des Israélites. Ainsi, il les met sur la tête du bouc. Puis, il l’envoie dans le désert » (Lévitique 16). Ce n’est pas le bouc qui est coupable, mais ceux qui le chargent, ceux qui se reconnaissent coupables eux-mêmes. 

Néanmoins, ce rite n’a jamais rendu totalement purs ceux qui l’ont pratiqué ; il fallait sans cesse recommencer. Alors Jésus a accepté d’être le bouc émissaire ultime : « Tous ont péché et tous sont privés de la gloire de Dieu. Mais dans sa bonté, Dieu les rend justes gratuitement par Jésus-Christ, qui les libère du péché ». Définitivement !

A condition de ne pas continuer à prétendre être innocent de tout.

Pierre Lugbull