Tout et son contraire

L’avantage avec les langues vivantes c’est que l’on est spectateur de leur évolution. Car cette évolution se fait là, juste sous nos yeux (du moins pour les lecteurs) ! Ainsi a été constatée, surtout chez les plus jeunes d’entre nous, une tendance intéressante. Il s’agit d’utiliser des adjectifs tout à fait contraires à ce que l’on veut dire sans toutefois trahir l’idée de départ. Ainsi, au lieu de dire qu’un film était génial, on pourra entendre dans la bouche de certains qu’il était « méchant » ! Un peu de « verlan » par-dessus le tout et voilà, vous y êtes ! Elle est pas belle la langue de Molière 2.0 ? 

Au départ, en tout cas aux États-Unis, il s’agissait moins d’une tendance que d’un langage réservé à la rue. Ici aussi, au départ, c’était de l’argot. Mais de fil en aiguille, l’argot finit par s’inviter dans le langage courant. Mais utiliser des adjectifs contraires à la réalité en question n’est pas seulement l’habitude des jeunes dont l’argot peut être si fleuri ! Car de plus en plus, et de manière tout à fait conventionnelle, nous utilisons ou créons des mots (ou ensembles de mots) qui auraient pu étonner il y a quelques années, mais qui sont tout à fait courants aujourd’hui. 

Ainsi, que pensez-vous de l’emploi du mot « récréatif » lorsqu’il est accolé au mot « cannabis » ? Oui aujourd’hui, même si ce n’est pas compris par tout le monde de la même façon, l’utilisation de ce type de drogue semble de plus en plus tolérée par la société. D’ailleurs, dans ce cas, on parle de drogue « douce ». Pourtant, ce n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit à la lecture des effets indésirables liés à une consommation de cannabis. 

Autre exemple, celui de l’euthanasie. Vous le savez sûrement, que ce soit en France ou dans d’autres pays d’Europe, la possibilité de recourir à l’euthanasie est très débattue. Pour l’instant interdite dans notre pays, elle semble pourtant devenir une évidence pour beaucoup de personnes désirant prendre leur vie, comme leur mort (!), en main… Mieux vaut, disent les pro euthanasie, mourir d’une belle mort plutôt que de mourir indignement. Nous y voilà, l’euthanasie c’est donc la « belle mort ». À l’évidence, il y a des morts moins violentes et moins tragiques que d’autres, des morts qui nous paraissent naturelles. Mais qui aurait pensé que la mort puisse être qualifiée de belle ?

Notre façon de parler me fait prendre conscience que nous avons tendance à détourner les choses de leur réalité première. Une question me taraude : pourquoi ne pas appeler un chat un chat ? Ou plutôt, pourquoi toujours vouloir tant relativiser les réalités difficiles ?

Dernier exemple. Si la Bible parle de « péché », les hommes ont aussi détourné cette appellation pour la rendre plus acceptable. On parle alors de péché « mignon » en le décrivant comme un petit travers auquel on se laisse facilement aller… Nombre de restaurants français portent cette expression comme nom d’enseigne !

Pourtant non, le péché n’est pas mignon. Dieu l’a en horreur. Le péché n’est pas mignon, car il est responsable de tant de souffrance sur la terre. C’est parce que nous le pratiquons, que nous souffrons. Mais comme tous les malades, encore faut-il accepter que nous souffrons… 

En attendant de se rendre chez le divin médecin, prenons déjà le temps d’établir la liste de nos symptômes. Dans cette liste, comme vous l’aurez compris, on pourra trouver celui-ci, à savoir : appeler « bon » ce qui est « mal ». Le prophète Ésaïe l’avait déjà constaté : « Malheur ! Ils déclarent bien le mal, et le mal bien. Ils font de l’obscurité la lumière, et de la lumière l’obscurité. Ils font passer pour ce qui est amer ce qui est doux, et pour ce qui est doux, ce qui est amer. » (cf. Ésaïe 5.20).

Oui, c’est vieux comme le monde, mais prêtez l’oreille, et vous verrez, ce type de détournement est toujours d’actualité !

Kévin Commere