Le suicide paisible

Nul n’a pu ignorer que le cinéaste Jean-Luc Godard était « décédé paisiblement à son domicile entouré de ses proches » sur les rives du Lac Léman. Dans la foulée, un proche indiquait qu’à 91 ans, « il n’était pas malade, mais simplement épuisé. Il avait donc pris la décision d’en finir, et c’était important pour lui que ça se sache ». En clair, il a voulu que le recours au suicide assisté soit l’ultime éclat de son parcours. Manque de chance, il s’est fait voler la vedette par une Britannique encore plus célèbre que lui…

Fuyant les honneurs officiels, mais à l’affût des coups médiatiques, Jean-Luc Godard a tenu à se mettre en scène jusqu’au bout. Non content d’avoir initié une nouvelle vague cinématographique, il a tenu à promouvoir le concept de décès paisible par suicide assisté. Il n’est pas le seul à prétendre à cet ersatz de nirvana, mais il a le privilège de la notoriété. 

Le suicide ne serait donc qu’une façon paisible de choisir son avenir. Mais alors, pourquoi les autorités et les professionnels de santé considèrent-t-ils le risque suicidaire comme méritant des actions de prévention ? Pourquoi lient-ils les pensées suicidaires à une situation de détresse ? 

L’injection du contenu d’une seringue stérilisée ou l’absorption de comprimés prescrits par un médecin serait-elles plus désirables que l’arme à feu ou d’autres moyens quand il s’agit du droit de choisir sa destinée ? 

Evidemment, comme son nom l’indique, un suicide assisté, nécessite un… assistant. Et quelle meilleure caution que celle d’un médecin ? Un médecin chargé de mon maintien en bonne santé quand j’en ai envie, et convoqué pour ma mort quand je le décide. A lui de se débrouiller avec son fameux « Serment d’Hippocrate » : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». Si mon médecin est gêné par ce serment, à lui de trouver un accommodement, ma volonté se doit d’être respectée.

« Mourir dans la dignité » dit-on aussi. Quelle dignité y a-t-il à vouloir mourir ? Jean-Luc Godard n’était même pas malade. Mais il lui importait de faire savoir qu’il était resté digne, maître de sa vie… et de sa mort. Ce n’était pas un acte de désespoir certes, seulement le constat de n’attendre plus rien. L’absence d’espérance, peut-être pire que le désespoir d’un moment.

Par sa famille protestante, Jean-Luc Godard a connu la Bible très jeune. La jugeant « trop totalitaire », il en a extrait des symboles pour ses films, les réinterprétant à ses idées. La Bible n’est pas remède contre la désespérance… à moins d’y rencontrer celui qui donne la vie.

D’ailleurs, Jésus prévenait : « Vous étudiez les Livres Saints … qui me rendent témoignage. Mais vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vraie vie » (Jean 5.39-40). C’est avec lui que la vie redevient espérance confiante en un avenir… tellement mieux qu’un suicide fut-il « paisible ».

Pierre Lugbull