Le dernier mot…

Il faisait beau, il faisait chaud, et j’avais des kilos en trop. Toutes les conditions étaient donc réunies pour sortir mon vélo ! Et quel plaisir ! Si ce n’est pour mon arrière-train vite endolori par une selle en kevlar…. 

Un soir, en rentrant d’une belle après-midi passée avec les enfants autour de la piscine du papy, et malgré la nuit tombante, je décide de rentrer à vélo. Mes quelques équipements me permettant d’être vu du plus grand nombre. Je fais donc la route sans encombre. Enfin presque. Arrivé à la maison je suis rejoint par le reste de la famille ayant fait le trajet en voiture quelques minutes après mon départ. Transpirant à grosses gouttes, j’engage une discussion avec mon épouse. « J’aurais pu mettre quelques minutes de moins, même battre mon record mais j’ai eu un accident ! ». Un accident ? « Oui, j’ai quasi renversé un petit garçon sur son tricycle ! Il s’est aventuré sur le passage piéton sans regarder ! »…Mon épouse me regarde dubitative, et à la manière d’un officier en uniforme, me rappelle à la loi : « Mais attends, il traversait un passage piéton dis-tu ? Dans ce cas-là qu’importe, c’est toi qui étais en faute mon gars ! ». 

Je vous rassure l’enfant va très bien. Mes freins ayant fonctionné à merveille, le petit garçon n’est même pas tombé de son tricycle. S’il allait bien après la paire de gifles reçues de sa mère, c’est en revanche moins sûr… Mais revenons-en au fait. N’acceptant pas d’avoir été en tort je me suis surpris en train de compiler un tas d’arguments pour me donner bonne conscience. J’ai donc expliqué à mon épouse qu’il faisait noir, que le garçon arrivait vite (qu’il aurait pu au moins s’arrêter), qu’il y avait un buisson me cachant la vue de ce petit, que j’étais en montée et donc que je n’allais pas si vite que ça, que ses parents auraient très bien pu le garder près d’eux à l’approche de la route, etc. Car moi, citoyen attentif à la paix et à l’harmonie, je n’aurais jamais pu être coupable de renverser un gamin sur un passage piéton ! Moi qui râle toujours contre les automobilistes refusant la priorité aux plus vulnérables ? Cette situation était, pour moi, intolérable. 

La vérité était pourtant tout autre. En passant à nouveau à l’endroit de l’accrochage, elle était là, juste devant mes yeux : aucun buisson aux abords du passage ne pouvant cacher le garçon de ma vue, bien assez de lumière grâce à l’éclairage public, et même si l’enfant arrivait vite, le paysage était assez dégagé pour que je le voie venir depuis loin. Pour finir, le tout a bien eu lieu alors que j’étais encore en pleine vitesse suite à une belle descente… Je n’avais donc aucun argument en ma faveur. Je m’étais tout construit tout seul dans ma tête. Voilà le drame de l’histoire. Non pas d’avoir percuté l’enfant, mais de vouloir, dur comme fer, avoir le dernier mot. 

Dans la vie, nous ne pouvons pas toujours avoir le dernier mot car nous sommes loin d’être parfaits.  C’est d’autant plus vrai « devant Dieu ». C’est bien Lui, le Dieu parfait, qui aura des choses à nous dire. Eh non, devant Lui nous n’aurons pas le dernier mot. « J’ai péché contre toi, contre toi seul, et j’ai fait le mal à tes yeux, en sorte que tu seras juste dans ton jugement. » Cf. Psaume 51. Vouloir avoir le dernier mot demande beaucoup d’énergie. Lâcher prise et admettre la réalité est bien plus libérateur. Sachons-le car ça change tout. Plutôt que de vouloir avoir le dernier mot sur tout, soyons plutôt les premiers à nous remettre en question. Cela contribue bien plus à la l’harmonie et à la paix. 

Kévin Commere