Si l’instauration du confinement de la population a d’abord provoqué la sidération, elle a suscité une multitude d’initiatives. L’être humain témoigne de facultés créatrices étonnantes quand, brusquement interrompu dans ses habitudes, il doit gérer un problème inconnu. Pour ma part, pas très créatif, je me suis consacré plus régulièrement à des recherches généalogiques entreprises depuis quelques années. Pourquoi cet intérêt ? Je ne saurais le dire, mais j’y ai découvert un monde immensément plus vaste que ce que je croyais connaître.
Ainsi, après avoir identifié un ancêtre dont le père avait vraisemblablement été chassé de sa ferme par un décret de Louis XIV, j’ai déroulé peu à peu le fil des descendants. Des descendants pas toujours les bienvenus là où ils tentaient de vivre d’agriculture, itinérants sans papiers jusqu’à ce que Napoléon décide d’en faire des Français. Pas très simple de suivre ces familles n’ayant pas droit à un état civil, mais ils veillaient eux-mêmes à noter mariages, naissances et décès sur la Bible qui les accompagnait.
Au-delà de cette saga familiale, c’est le panorama de plus de 3 siècles de vies humaines qui se dessine. Et alors, en quoi cela nous concerne-t-il aujourd’hui ? Dans la Bible, l’Ecclésiaste dit : « Ce qui se fera est ce qui a été », vision autant désabusée que réaliste, instructive même si on veut bien s’y arrêter un peu.
Dans mes ancêtres, pas de personnage illustre, non, essentiellement des familles vivant petitement, sur des fermes isolées, souvent en montagne. Des familles nombreuses où parfois, plus de la moitié des enfants meurt en bas âge. Des couples stériles aussi. De jeunes mères mourant à la naissance de leur premier enfant. Des jeunes pères victimes d’accidents ou de maladies, laissant seule sur la ferme une veuve de moins de 30 ans avec la charge de plusieurs jeunes enfants.
Faut-il évoquer aussi ces familles qui partirent pour l’Amérique chercher une vie plus stable que celle d’une Europe perpétuellement en guerre ? Des migrants dont certains périrent naufragés avant d’atteindre la côte espérée. Des migrants rattrapés sur leur bateau par le choléra, les corps jetés dans l’Atlantique. Mais aussi des naissances en eau internationale, créant de nouveaux sans papiers…
Tous ceux-là n’ont bien sûr pas connu les affres actuelles du covid, mais ces Jean, Marie, Anna, Joseph… me contraignent à remercier Dieu pour tout ce dont nous jouissons aujourd’hui. Le remercier aussi pour ceux dont la conduite ne fut pas toujours exemplaire, ne serait-ce que ce trentenaire condamné à mourir au Bagne à Nouméa. Néanmoins, à travers ces sinueuses lignées remplies de drames et d’erreurs, l’évangile m’a miraculeusement été transmis…
C’est pourquoi j’aime ces généalogies relatées dans la Bible. Pas croyable que Dieu ait veillé sur la transmission de la foi à travers de telles lignées ! Y compris celle pas très nette chargée d’accueillir Jésus. Pourtant, Dieu a voulu que sa Parole soit transmise dans de telles lignées… Grâces lui soient rendues ! Et si vous manquez d’illustres ancêtres, rien n’est perdu… au contraire !
Pierre Lugbull