L’école, « la mère des batailles » plaidait le ministre de l’Education avant d’accéder à une fonction plus haute. C’est de l’école qu’émergerait une société apaisée, davantage respectueuse des autres et de son environnement. L’école nouvelle serait le creuset d’une génération responsable faisant disparaître les fameuses incivilités.
Les choses sont prises à bras le corps. Provocations, harcèlements, violence doivent sortir de l’école, elle « doit rester un sanctuaire ». Un sanctuaire ? Un lieu saint ? Le Président confirme : « C’est par l’école que nous parviendrons à bâtir le rempart contre ces forces du mal et du vide ». Combat du Bien contre le Mal ? Le religieux serait donc appelé au secours de l’espace public laïc.
Pourtant un doute affleure quand on tend un peu l’oreille. Au fil des discours, on apprend qu’il est tout aussi nécessaire de sanctuariser la justice, un budget, les crédits de la recherche, une loi, l’eau, la forêt… sans oublier certains sentiers de randonnée. Même les sentiers de randonnée ! Une façon de n’exclure aucun élève de la sanctuarisation de l’école ?
La fameuse sanctuarisation ne serait-elle pas un artifice de vocabulaire soufflé par les experts en communication ? Un mot avec sa part de mystère, sans contour concret, d’autant plus facile à asséner avec conviction.
Les premiers articles du catéchisme de l’école sanctuarisée ne laissent pas de doute : laïcité, pacte républicain, apprentissage de la Marseillaise en primaire, instruction civique au collège, port d’un uniforme … Pour ceux qui auraient redouté une dérive religieuse de l’école, pas de panique, la République laïque garde le contrôle !
Parler de sanctuarisation n’est pourtant pas neutre. Un sanctuaire est un lieu où l’agitation du monde n’a pas accès. Derrière ses clôtures de plus en plus hautes et ses portails de plus en plus sécurisées, l’école cherche à se retrancher de la violence ordinaire de la société. Un sanctuaire – un bunker ? – où les enfants doivent être protégés. En attendant d’être suffisamment formés pour prendre la relève en rendant plus vivable le monde des adultes.
Il y a plusieurs millénaires, le souci de l’enseignement des enfants était déjà présent. C’est même une priorité du peuple hébreu alors qu’il se constitue en nation et adopte ses premières lois. La Bible relate ce projet éducatif (Livre de l’Exode) : « Quand vos enfants vous demanderont : pourquoi faites-vous cela, vous répondrez… ». Redoutable responsabilité : être capable d’expliquer ses actes à ses enfants. Pas un cours théorique aussi bien intentionné soit-il, mais la démonstration par la pratique, par la pratique des parents. Pas d’école sanctuarisée, cocon isolé où devraient éclore des citoyens plus responsables que les adultes.
L’étonnant est que Dieu ne prétend pas que sa méthode d’éducation soit infaillible. Il laisse chacun libre de ses choix à l’issue de cette éducation : « J’ai mis devant toi la vie et la mort. Choisis la vie afin que tu vives ». Certainement plus attirant et prometteur que le « pacte républicain » attendu dans l’école sanctuarisée.
Pierre Lugbull