Le langage a-t-il mauvais genre ?

La langue française est-elle encore la langue de Molière, alors que la langue de Shakespeare envahit la planète ? La réalité est que Molière et Shakespeare auraient bien du mal à déchiffrer les sous-produits du français ou de l’anglais qu’ils pratiquaient. Le langage évolue, s’adaptant aux réalités de son temps. Néanmoins, la langue française que nous utilisons n’est pas la même pour tous. Je me souviens encore avoir été repéré un jour à Paris : « Toi, avec ton accent, t’es de Montbéliard » ! Quant aux mots employés, ils peuvent devenir un tel sabir qu’on peut en avoir le seum… pardon… que cela peut nous énerver !

Mais les contenus éphémères de notre langage ne sont que l’écume des choses. Notre siècle a décelé la racine d’un mal beaucoup plus profond. Cherchez bien dans vos souvenirs scolaires… l’épreuve de la dictée. Cela ne vous a-t-il jamais intrigué que les mots en « té » bien que féminins ne prennent jamais de « e » final ? L’amitié, la bonté et bien d’autres en témoignent. Mais alors pourquoi affubler cette épreuve de la dictée d’un « e » final ?

En cherchant bien, on peut y ajouter la montée, la pelletée, la brouettée… des épreuves elles aussi. Et puis la portée, la tripotée… évocatrices des charges liées au statut féminin… Voilà le mal débusqué : les mots se terminant par « té » portent la marque féminine du e final quand c’est désagréable ou lourd. Quelle perversité d’abaisser ainsi ce qui est féminin ! 

Ouvrez les yeux sur les belles valeurs de notre devise nationale ! Liberté, Egalité, Fraternité. Pas de e final, façon de leur enlever leur féminité… Mais le pire est ce mot de « fraternité », ce lien entre… frères ? Et la sororité, le lien entre sœurs ? Pourquoi exclure les femmes de la devise nationale ? Un combat est engagé pour remplacer fraternité par adelphité, mot censé inclure les 2 genres. 

Pour cimenter ce projet de cohésion nationale, reste à « dégenrer » l’ensemble de la langue française. Sus à une orthographe et une grammaire trop favorables au genre masculin ! Ecriture « inclusive », voire « neutre », ou « épicène » suivant l’imagination des promoteur-trice-s de langages dégenrés. De quoi redonner toute leur valeur aux femmes. Après des millénaires de patriarcat et de religions obscurantistes se lève la lumière…

Mais qui se souvient de Jésus reprochant déjà aux hommes de son époque leur façon méprisante de traiter les femmes, ceci au nom de leur religion ? Une religion tellement fière d’elle-même, qu’elle s’était éloignée de Dieu et de son projet initial. Et qui sait encore que Paul, l’apôtre à la réputation misogyne, insistait auprès des maris pour qu’ils aiment leurs épouses comme leur propre corps, qu’ils évitent de se mettre en colère, allant même jusqu’à se sacrifier pour elles ? 

Avant de taxer d’obscurantiste tout ce qui s’apparente au domaine religieux, ne serait-il pas utile d’écouter Jésus ou Paul ? Une démarche peut-être plus efficace que l’écriture inclusive pour que les femmes trouvent leur véritable place dans la société.

Pierre Lugbull