Le soleil revenu après une longue période grise et froide, nous n’avons pas attendu le début officiel du printemps pour renouer avec une balade. Les environs proches nous gratifient d’un bel espace de 160 hectares mariant rivières, bois et étangs, riche de nombreuses espèces animales et végétales. L’endroit idéal pour vivifier nos corps après l’hiver. L’endroit idéal aussi pour apaiser l’esprit agressé par la fureur de notre monde.
A ceux qui étaient écrasés par l’inquiétude, Jésus conseillait déjà cette cure de désintoxication : « Regardez les oiseaux du ciel… ». Les experts actuels en bien-être n’ont rien inventé. Mais Jésus n’est le promoteur ni du bien-être, ni de la zénitude. S’il incite à observer les oiseaux, c’est pour emmener plus loin : « Ils ne mettent pas de récoltes dans les greniers. Et votre Père qui est dans les cieux les nourrit ! ». Trop simple ? Attendre passivement que Dieu supprime les difficultés de la vie ? Certainement pas. Il suffit d’observer l’ardeur déployée par les oiseaux pour récolter leur nourriture ! Mais Dieu, dans sa création, pourvoit en quantité suffisante. Encouragement à travailler pour assurer le nécessaire, tout en relativisant notre peur viscérale de manquer.
Finalement, des propos pleins de bon sens. Encore faut-il accorder sa confiance à ce « Père qui est dans les cieux » … Jésus va plus loin encore : « Ne valez-vous pas beaucoup plus que les oiseaux ? ». Déclaration inécoutable dans notre civilisation moderne ! Comment mépriser ainsi les oiseaux, leur refusant le titre d’égaux, nos égaux ? Jésus, lui, n’a qu’une référence : ce Père, créateur des oiseaux comme des humains, déléguant à l’homme une responsabilité prestigieuse : travailler dans sa Création en en prenant soin… animaux compris.
En excluant son Créateur, la nature devient déesse à servir avec soumission et crainte. D’émerveillement, notre promenade virerait à l’observation inquiète. Ainsi, il y a peu, des promeneurs ont surpris des élagueurs, débroussaillant et tronçonnant en ce lieu protégé. Scandale ! Les élagueurs profanateurs ont dû expliquer que les ronces envahissantes étouffaient
des orchidées au risque de les faire disparaître. Quant aux grands arbres abattus, ils servaient de mirador à des oiseaux de proie dépeuplant la gent animale nichant à leurs pieds. Souci de protection des plus petits.
« Espace naturel préservé » dit-on de ce site où nous goûtons l’air printanier… Mais qui se souvient encore du temps où les pelleteuses extrayaient en ce lieu les graviers nécessaires à la construction de logements ? Avant que la nappe phréatique transforme les excavations en étangs à l’eau claire, bordés de bosquets. Main de l’homme, main du Créateur.
Qui se souvient aussi de la construction ici même d’impressionnantes digues de terre destinées à protéger des crues les populations menacées ? Evoquer un « espace naturel sauvegardé » est davantage porteur.
Nature sauvegardée ? Ou aménagée avec un même souci de veiller sur la vie des végétaux, des animaux ou des humains ? Sous le regard d’un même Créateur, chacun à sa place.
Pierre Lugbull