Une barbe peut en cacher une autre

S’il est un attribut purement masculin, c’est bien la barbe. Encore un domaine où l’inégalité homme-femme est flagrante… Néanmoins Mesdames, n’hésitez pas à renoncer aux hormones gommant la différence de genre, restez telles que vous êtes !

La barbe est un problème lancinant. Avant de recourir aux réseaux sociaux ou aux tutos, avant même le secours d’un coach, faisons un petit tour d’expériences vécues. Pourquoi, dans ma jeunesse, ai-je laissé ma barbe taillée en collier ? Je suis bien incapable d’en trouver la raison. Certainement l’influence d’une mode … tout comme ma barbe complète plus tard…

Peut-être l’atmosphère du temps des « 4 Barbus » pastichant l’ouverture de l’opéra de Rossini, le Barbier de Séville :
«  J’ai de la barbe, t’as de la barbe,
Nous avons et vous avez de la barbe,
Car un jeune homme qui sort sans sa barbe,
C’est un repas sans vin, un soleil sans rayons… »

Au cours des siècles, le port de la barbe a connu bien des variantes. Allez savoir pourquoi Charlemagne fut appelé l’Empereur à la barbe fleurie alors que tout porte à croire qu’il n’eut jamais de barbe, comme d’ailleurs la plupart des rois européens. François 1 er rompit avec la tradition des visages glabres… pour cacher une blessure au visage. Pas très convaincant pour promouvoir la cause des barbus.

Si la pilosité masculine s’afficha différemment d’un siècle à l’autre, le dernier quart de siècle aura fait de nous les témoins d’un défilé accéléré de modes : de la « barbe de 3 jours » du cadre urbain, à celle plutôt longue voire nattée de l’écolo, ou celle au carré surgie d’un crâne rasé, ou la barbe soigneusement frisée des juifs pieux, ou celle plus broussailleuse de musulmans tout aussi pieux…

Mais la barbe n’est pas qu’affaire de mode. Les barbus talibans comme ceux du clergé iranien, tout en suffisance religieuse et en mépris du peuple ordinaire, ont érigé leur barbe en repoussoir. Forts de ces exemples, on peut très vite être tentés dans nos contrées aussi, d’attribuer aux hommes mérites ou blâmes en fonction de leur barbe, surtout si celle-ci témoigne d’une coutume religieuse.

Lorsque la France révolutionnaire annexa le pays de Montbéliard, Pierre E. fermier à Bief, fut convoqué le 14 novembre 1792 par les nouvelles autorités locales pour prêter serment de fidélité exclusive à la Constitution. Anabaptiste, il déclara que sa foi en Jésus-Christ ne lui permettait pas de promettre davantage que « maintenir de tout son pouvoir la liberté, l’égalité, la sûreté, la loi… ». Les révolutionnaires exigèrent alors qu’il coupe sa barbe pour vraiment faire preuve de citoyenneté française. Sa barbe fut néanmoins sauvée par les autorités supérieures enjoignant de laisser Pierre E. en paix. Aujourd’hui, qui suspecterait une barbe d’outrage à la République ? A moins que… ?

Et puis, honore-t-on mieux Dieu étant barbu qu’imberbe ? Imaginons la réponse de Jésus si on lui avait demandé. Et pourquoi pas poser la question à une femme ?

Pierre Lugbull