Rappelez-vous, l’hydre Covid n’était pas encore terrassée, mais assez bien maîtrisée. On voyait poindre l’aurore d’un jour nouveau, le « retour des jours heureux ». La joie d’une convivialité retrouvée se concrétisa pour les Parisiens par la prise d’assaut des terrasses de cafés. Symbole de la vie à la française entendit-on. Pour les autres, province oblige, ce fut plus trivial : besoin de faire la fête. Néanmoins, tous avaient une certitude : on allait « réenchanter le monde ». Promis, juré ! C’était il y a à peine 3 ans.
Depuis, avec la même unanimité ou presque, chacun affirme que le monde va mal, que la société va mal. Le réenchantement annoncé devra attendre. Enfin pas tout à fait car, heureusement, certains possèdent la formule magique, celle qui permet d’accéder au bien-être collectif. Il suffit de leur donner les clés du pouvoir. Pourquoi alors hésiter davantage à leur confier notre avenir sans tarder ? Pourquoi refuser les lendemains qui chantent ?
Le problème est que ces enchanteurs de nos lendemains s’accusent réciproquement avec véhémence de tromperie sur la marchandise. De quoi être prudents sur leurs formules magiques. Mais voilà, les élections ont eu lieu, et aucun ne s’est vu confier les clés de notre avenir. Alors, la musique change : il faut se rassembler. Plus d’un se sent investi de cette mission d’intérêt public : rassembler autour de lui pour enfin réenchanter nos vies.
Des responsables politiques belges font remarquer qu’ils ont vécu 541 jours sans gouvernement ! Et de conseiller : ne soyez pas impatients, il faut du temps pour convaincre d’anciens concurrents à renoncer à leurs condamnations réciproques avant d’accepter de travailler ensemble au bien de la nation. Tellement loin des réflexes d’affrontements au nom du bien de tous. Ne faut-il pas lutter contre les prétendants dangereux si l’on veut que son monde nouveau s’impose ?
Ecoutons juste un instant le rappeur Youssoupha (Texte Mon Roi) :
« Tu vas vouloir changer le monde et tu vas faire d’la merde
Le problème à l’envers, voilà où ça nous mène
On veut toujours changer l’monde alors qu’on devrait d’abord changer nous-mêmes
Juger est une erreur
T’es pas meilleur que les autres, c’est juste que tes péchés sont différents des leurs »
Paroles d’un musulman que Jésus aurait pu valider, certes dans une forme plus châtiée…
Jésus. Quelle idée a-t-il eu de s’embarrasser de 12 hommes à l’humeur et aux idées incompatibles ? Un point commun quand même : le souci récurrent de savoir lequel s’imposerait aux autres. Jésus les a repris plusieurs fois : « Ceux qui ont le pouvoir sur les peuples commandent comme des chefs et veulent qu’on les appelle « amis du peuple ». Ne faites pas comme eux. Au contraire, que le plus important soit comme le plus petit et comme celui qui sert ».
Il a fallu que le Saint-Esprit travaille les disciples pour les amener à cette compréhension de leur responsabilité. Y aura-t-il quelqu’un pour l’entendre dans le brouhaha des Palais de la République ?
Pierre Lugbull