Par curiosité, j’ai regardé quelques épreuves des jeux paralympiques de Paris. Avant que la curiosité se transforme en admiration et plus d’une fois en émotion. Les commentateurs ont eu l’intelligence de s’attarder aux parcours de vie des athlètes autant qu’à leurs performances. Occasion de découvrir des existences chargées de lourds handicaps dès la naissance ou fracassées à la fleur de l’âge par l’accident ou la maladie. Des existences réorientées à force de courage et d’abnégation.
La réussite indéniable de ces jeux fut de faire vibrer tout le monde lors des compétitions, intégrant ces hommes et ces femmes dans le monde sportif… oubliant au moins pour un temps le préfixe « para ». Gabriel dos Santos Araujo, nageur brésilien né sans bras et aux jambes très atrophiées, m’a particulièrement impressionné. Quelle aisance dans la piscine olympique ! Médaillé d’or, ce jeune homme de 22 ans a développé une technique de mouvements du bassin, intrigant les professionnels de la natation.
Le sport, grâce à son aura, aura permis de porter un autre regard sur le handicap que celui de la condescendance. Mais il serait dommage d’oublier d’autres porteurs de handicaps, moins sportifs, mais tout autant époustouflants d’intelligence et de volonté. Connaissez-vous Félix Klieser ? Non ? Privé de bras dès sa naissance, il s’est épanoui dans la musique. Sans bras… un avenir dans le chant ? Non, mais devenu virtuose de cor d’harmonie. La dextérité exceptionnelle de ses orteils lui permet de pallier l’absence de mains. Pas pour « performer » devant les médias, mais jouant parmi les autres en orchestre symphonique. Ou encore, musicien reconnu, enregistrant des œuvres de Brahms ou Mozart.
Et il y a tous les autres, ceux qui ne deviendront jamais des « stars ». Les anonymes n’ayant pas les ressources nécessaires pour dépasser leur handicap. Ils bénéficieront, au moins en partie, de la lumière projetée lors des derniers Jeux. Mais leur besoin fondamental est ailleurs. Plusieurs des para-athlètes ont souligné l’importance de l’entourage accompagnant leur parcours : de la bienveillance des soignants à l’amour des proches. Les démonstrations d’amour des parents ou conjoints des para-athlètes ne faisaient que confirmer cet ingrédient essentiel.
Les sociétés humaines ont toujours rejeté les porteurs de handicap. Jésus a renversé ce regard, s’approchant entre autres de lépreux aux membres rongés. Pourtant, nos sociétés occidentales « christianisées » continueront à les rejeter hors des cités. Néanmoins, des hommes et des femmes animés par l’amour de Jésus, ont consacré leur vie à réintégrer les « non conformes ». Réintégration déjà dans la communauté qui les a vu naître, permettant d’ouvrir la fenêtre d’un avenir.
Ainsi, Abbas, né sans bras dans une ethnie méprisée d’Afghanistan et dont la famille portait la honte, dans la crainte de la malédiction. Jusqu’au jour où sa non-existence croise un couple vivant l’amour lumineux du prochain. Lui apprenant à lire, à écrire avec ses orteils, ils amènent Abbas à prendre son envol. 18 ans plus tard, Abbas Karimi devient médaillé d’argent 2024 en relais américain de natation…
Pierre Lugbull