La philosophie des ronds-points

Au-delà des slogans des manifestations, une affirmation revient de façon appuyée : « Ce n’est pas pour nous, mais pour nos enfants et nos petits-enfants ». Avec un tel motif, contester la légitimité de certaines  exigences reviendrait à s’attaquer aux enfants, aux plus faibles. L’égoïste est donc celui qui ne réclame rien, condamnant enfants et petits-enfants à un avenir de souffrance.

Certes, il est des sujets plus nobles que l’argent facile. Une génération de missionnaires s’est levée afin de sauver la planète. Avec eux, l’objectif du bien-être futur des enfants d’aujourd’hui ne peut être mis en doute. C’est tellement une évidence que des enfants prennent désormais eux-mêmes la tête de missions mondiales du salut écologique. Etonnant de voir ces enfants disposer de larges moyens d’accès aux tribunes internationales,  voyageant comme les dirigeants.

Cette mise en première ligne d’enfants chargés d’amener des adultes démissionnaires à se ressaisir et à prendre les bonnes décisions, est largement ovationnée. Mais une parole venant du fond des siècles y fait écho de façon saisissante : « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant » (Ecclésiaste 10.16). Renversement des rôles, renversement des valeurs… Mais c’est, dit-on, ce qui caractérise une société progressiste se libérant des tutelles archaïques.

Quand on m’inculqua quelques notions de philosophie, cela me parut aride et étranger aux réalités du moment. Les philosophes étaient de véritables statues antiques, demi-dieux d’une sagesse immémoriale. Mais c’était avant… Avant quoi ? Avant maintenant…

Aujourd’hui, philosophes et sociologues se bousculent sur les plateaux télé. Où est la vérité : sagesse innée des enfants ou sagesse acquise des philosophes ? Ces philosophes ou sociologues de l’urgence ne sont plus consultés pour l’enracinement de leur pensée ; ils se doivent de donner un avis à chaud sur l’actualité, reformulant en termes choisis la pensée émergeant des ronds-points. Le salut de l’humanité nécessite diagnostic et réponses sans délais.

La pensée d’un sociologue m’a particulièrement interpellé : l’individualisme revendiqué de nos jours ne doit pas être confondu avec  l’égoïsme ; la motivation profonde en est l’altruisme, l’intérêt pour les autres. Et notre homme de prétendre que l’individualisme exprime le souci de la primauté de l’individu sur une société opprimante. Donc au final, le « chacun pour soi » n’est qu’apparence ; c’est en réalité une aspiration à approfondir la relation avec les autres. Le peuple des ronds-points doit être étonné de découvrir la brèche qu’il a ouverte dans la pensée philosophique.

Néanmoins, un point rassemble tout le monde : la société humaine va mal. D’où la recherche de solutions très matérielles censées pallier le malaise. Mais ne faudrait-il pas commencer par poser des bases solides ? Dieu nous tend la main :

« Que peuvent encore dire les discoureurs du temps présent ? Dieu a démontré que la sagesse de ce monde est folie !  La folie apparente de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse apparente de Dieu est plus forte que la force des hommes » (1 Corinthiens 1:19-25).

Pierre Lugbull