A bas la morale, vive l’éthique !

La morale n’a pas bonne presse. Ce n’est pas nouveau, mais le 21ème siècle s’est attelé à renoncer définitivement aux règles de conduite héritées des siècles passés. Notre époque éclairée doit se libérer de cette morale qualifiée tantôt de bourgeoise, patriarcale ou chrétienne selon les options des pourfendeurs.

Quitte à surprendre les militants de cette cause, Jésus les a devancés ! Alors que ses disciples étaient accusés de transgresser la tradition des anciens, il les a rassurés : « Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ». Un peu plus tard, il enfonce le clou : « ils rassemblent des charges très lourdes et ils les mettent sur les épaules des gens ». Bref, n’écoutez pas ces religieux moralisateurs qui veulent vous priver de liberté !

La vieille morale ne serait-elle donc pas aussi chrétienne que ce qu’affirment les accusateurs ? Jésus, en tout cas, ne se reconnaît pas dans les règles rigides imposées par des religieux. Il est venu nous libérer de nos enfermements. L’auteur André Frossard a écrit : « La morale n’est pas
plus le cœur de l’Evangile que la technique n’est l’âme de la peinture ». Qui confondrait la tenue du pinceau avec l’inspiration du peintre ?

Autre grand coupable désigné : le patriarcat. En notre époque de revendication féministe, le nom abhorré jaillit de bien des lèvres. Il a été maintes fois invoqué lors du retentissant procès des « viols de Mazan ». Mais quel patriarche sourcilleux donnerait son épouse à d’autres hommes ? Les slogans conduisent à proférer des stupidités.

« Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage », adage connu. Finalement, peu importe la pertinence des arguments, à bas la morale désuète ! Et vive l’éthique ! Ah, l’éthique, ça sonne tellement mieux. Les philosophes grecs réfléchissaient déjà à cet éthos, c’est-à-dire aux mœurs. La morale, elle, moralis en latin désigne … les mœurs. C’est donc la même chose ? Que nenni ! L’éthique des philosophes se place au-dessus, elle se proclame science de la morale. L’éthique, guidée par l’intelligence humaine, se veut capable de discerner le bien du mal.

Lavée du soupçon de morale liberticide, l’éthique est désormais convoquée dans tous les domaines. Bioéthique traitant des techniques médicales ou de la fin de vie, éthique de l’éducation, éthique sexuelle, éthique de la famille, … C’est ainsi qu’elle intime à la famille de se « réinventer ». Le niveau d’intelligence atteint en ce 21 ème siècle ne peut plus se contenter de
reproduire les modèles parents-enfants hérités de siècles moins éclairés. Place aux familles multiformes !

En pleine apogée de la civilisation romaine, l’apôtre Paul disait des gens de son époque : « Leurs idées sont devenues fausses, et leur cœur a perdu la lumière. Ils disent qu’ils ont la sagesse, mais ils sont devenus fous ». Bienvenue Paul dans notre société !

En 20 siècles, la prétention à savoir définir le bien et le mal mieux que le Créateur n’a pas pris une ride.

Pierre Lugbull