“Excusez-moi !”

Mon professeur de français avait un côté très spécial. Je ne pourrais le décrire ici mais pour mes yeux d’adolescent c’était un personnage ! Je me souviens d’un cours en particulier.

Le cours devait commencer mais l’un de mes camarades est arrivé en retard. Dans le cadre de l’école militaire dans laquelle j’étais, la chose ne pouvait pas passer inaperçue puisque nous nous mettions au garde-à-vous lorsque le professeur entrait dans la salle.
L’entrée de mon camarade, après que nous nous soyons de nouveau assis, n’a été que plus visible. Jaillit alors un « excusez-moi » presque naturel.
L’affaire aurait pu être classée sur le champ mais notre professeur, décidément énigmatique, en décida autrement. Avant de commencer par la leçon de français, il nous proposa une leçon de vie.

Non je t’excuse pas dit-il, retourne à la porte et propose moi une autre formulation s’il te plaît.
Une autre formulation ? Personnellement la phrase prononcée par mon ami ne m’avait pas véritablement choqué. À l’époque je n’aurais pas su quoi faire à sa place. Comment repenser une formulation correcte pour s’excuser ? « Excusez-moi pour le retard » n’était pas suffisant ? C’est pourtant bien mieux que ce que l’on pourrait entendre dans les salles de classe d’aujourd’hui !

Les tentatives de reformulation ont donc fusé. Toute la classe lui vint bientôt en aide. Mais toujours rien. Toutes les formulations que nous trouvions étaient en fait des ordres plus ou moins déguisés. Et notre professeur n’acceptait pas les ordres !
« Excusez-moi », « veuillez m’excuser », « veuillez bien m’excuser », et même les « pardon du retard » et autres dérivés ne permettaient à l’intéressé de rejoindre sa chaise laissée vide.

Au bout d’un moment, notre professeur allait trop loin et l’exercice n’avait plus rien de vraiment intéressant. Nous avions bien compris qu’il était question de solliciter la « grâce » du professeur sans lui « imposer » nos excuses. Il s’agissait de solliciter sa faveur sans pour autant que l’acceptation de nos « excuses » soit pour lui la seule option possible.
Fatigué d’y songer, mon camarade a tout de même fini par rejoindre sa table. La leçon fut-elle comprise ? Je ne le sais. Notre image du prof en revanche…sans commentaire.

Pourtant, si cette histoire m’a marqué c’est parce qu’elle traduit une réalité !
En effet, nos mots ne sont pas des formules magiques ! Il ne suffit pas de les dire dans un certain ordre pour que l’effet soit immédiatement garanti. Nous autres humains ne sommes pas des machines. Un “Ok Google” ne suffirait pas à nous mettre en marche ! Et heureusement !
Lorsque nous nous parlons, nous devons nous respecter.

Mes enfants sont parfois choqués de s’entendre dire “non” à leurs demandes les plus simples. Sans vouloir paraître aussi énigmatique que mon professeur de français, je crois que la leçon est un peu la même ; une demande peut être simple mais mal formulée… Quant à moi je ne suis pas une machine pour donner à l’autre tout ce qu’il me demandera ! Aussi juste soit la requête.

Plus que la demande en elle-même, il est question d’attitude. C’est elle qui porte la demande. Pour le Seigneur, l’attitude est importante. Dans une démarche de pardon elle témoigne de la sincérité, de l’humilité, de la douleur de celui qui prie.
Ainsi, Dieu ne laissera personne sur le pas de la porte à chercher la formule magique mais il cherchera en tout homme un esprit brisé, un cœur contrit.

C’est ce cœur contrit qui, selon Dieu, me donnera une place à ses côtés pour l’éternité.
C’est ce cœur contrit que Dieu pardonne et accepte dans son royaume ! Arrêtons-nous donc un instant pour penser à nos attitudes, penser à notre façon de lui demander pardon. Notre Dieu n’est pas une machine, son pardon n’est pas automatique.

Kévin Commere