Quand l’humanité révèle sa beauté

Octobre est la saison des prix Nobel. Il est étonnant de constater l’écho réservé à cette institution plus que centenaire. D’autant que ce qui est récompensé échappe aux capacités de compréhension de l’immense majorité. Bien sûr, l’exploit suscite l’admiration même si l’on n’en saisit pas forcément la portée. Mais on devine l’intelligence, le travail et l’abnégation qui ont certainement accompagné le quotidien des lauréats.

L’âge des Nobel de physique témoigne d’une qualité supplémentaire : la persévérance. Evidemment, on cite d’abord le Français Gérard Mourou, 74 ans, cocorico oblige, même si le doyen américain Arthur Ashkin, atteint 96 ans.  Mais Donna Strickland, 59 ans, tient la vedette.

Pensez donc, la plus jeune du trio, mais surtout une femme crevant « le plafond de verre », un évènement historique ! Pourtant Marie Curie l’avait déjà décroché ce Nobel de physique, en 1903 et à 36 ans… avant de récidiver en chimie en 1911 ! Cela ne tempère en rien les discours célébrant la victoire, enfin, d’une femme brisant l’ordre machiste.

Et si l’important était ailleurs ? Il me plaît ce trio : un Américain, un Français, une Canadienne de générations différentes. Le comité Nobel affirme que les compétences et les qualités ne connaissent ni frontière, ni sexe, ni âge. Gérard et Donna ont travaillé ensemble sur les lasers de forte puissance, Arthur sur des lasers champions de délicatesse. Mais la reconnaissance ignore ces variantes.

Il y a une vingtaine d’années, on mettait en avant une tout autre équipe : celle black-blanc-beur. Sa spécialité n’était pas les lasers. Cette équipe démontrait que la qualité footballistique échappait aussi aux frontières que les hommes s’acharnent à dessiner. Quant au sexe et à l’âge, qu’on me permette de préférer l’exemplarité de l’équipe Nobel.

Des chercheurs aux footballeurs, mon esprit vagabonde vers un autre monde. J’apprécie les orchestres symphoniques, question de style musical. L’image de l’orchestre est souvent évoquée comme exemple de cohésion d’équipe : des artistes différents produisant une mélodie harmonieuse sous la conduite d’un chef. Mais une autre dimension m’interpelle : ce que je vois.

Plus que la distribution des pupitres, plus que la variété des instruments, ce que je vois c’est eux, les musiciens. Hommes et femmes, jeunes ou vieux, chauves ou barbus, beaux ou pas trop… la variété m’émerveille. Voici encore des visages aux teints multiples, témoignant d’un Orient proche ou lointain ou d’une Amérique dite indienne, quand ils ne sont pas métissés… Les voici ensemble au XXIème siècle interprétant l’oeuvre d’un compositeur européen du XVIIIème portant perruque. Et cette production commune magnifiée par l’acoustique de la magnifique salle de la Philarmonie de l’Elbe à Hambourg ou celle de Paris, témoins du génie créateur d’architectes contemporains.

Richesse de l’humanité si variée créée par Dieu et beauté de la créativité qu’il lui a insufflée, unies dans une débauche d’harmonie. Tellement au-dessus de la laide vanité des compétitions humaines personnelles ou collectives.

« Dieu créa l’homme à son image : homme et femme il les créa… et voici c’était très bon ».

Pierre Lugbull