Se mettre en danger

Les peuples nomades d’Europe furent longtemps appelés bohémiens ; ils étaient censés venir de Bohème. Les artistes s’emparèrent du nom pour exalter le goût de la liberté et de l’aventure. Liberté associée au risque d’un quotidien fait de précarité sinon de misère.
Que reste-t-il de la vie de Bohème à l’heure du principe de précaution et du risque zéro ? Liberté et aventure avec risque zéro, ce sont les clubs de vacances… si l’on en croit leur publicité. Mais l’homme ne peut vivre seulement de clubs de vacances. D’autres aspirations sommeillent en lui.
A défaut de prise concrète de risques, on en rêve. C’est toujours avec un regard amusé que je découvre les interviews de chanteurs déclarant ingénument : « Dans cet album je me suis mis(e) en danger ». Je n’imaginais pas que le chant était non seulement une prise de risque, mais carrément une mise en danger. Risquer sa vie dans une chanson, c’est impressionnant. Même témoignage de comédiens évoquant leur dernier spectacle. Certains vont même jusqu’à se mettre en danger tous les soirs. Terrifiant !
Que fait donc l’Etat pour protéger la vie de ces artistes ? A moins que le danger encouru se limite à décevoir le public pourvoyeur de leurs ressources financières. Car la vie de Bohème, ça coûte, ça coûte même beaucoup. Une baisse de notoriété, c’est une baisse de rentrées, le drame irréparable.
« Je me mets en danger » n’a pas la même résonance pour tous. Comment entendre ces affirmations sans que viennent à l’esprit certains noms ? Arnaud Beltrame le gendarme prenant la place d’une otage, ou Mamoudou Gassama le Malien clandestin escaladant une façade pour empêcher la chute d’un enfant… Chacun pour sauver une vie, l’un au risque de la sienne, l’autre au prix de la sienne. Sans s’interroger sur l’accueil que le public réserverait à leur audace.
George Verwer, le fondateur d’Opération Mobilisation, appelait régulièrement les chrétiens à « sortir de leur zone de confort ». Premier pas nécessaire pour une vie libre et aventureuse. Pas la Bohême non, mais plutôt une vie exaltante, celle de disciple de Jésus-Christ. Sortir de sa zone de confort, c’est décider de quitter le confort rassurant d’un quotidien bien réglé, où l’on a ses repères. Mais c’est aussi affronter le danger d’une vie moins sécurisée.
Celui qui s’est totalement mis en danger pour nous au prix de sa vie, c’est Jésus. Son attente désormais : « Si quelqu’un veut venir avec moi, il ne doit plus penser à lui-même. Il doit porter sa croix et me suivre. En effet, qui veut sauvegarder sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, l’assurera… » (Matthieu 16:24-26).
Houlà, ça mène loin ! Une véritable mise en danger ! Un peu, oui, mais avec Jésus « venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19:10), la sécurité change de côté. Alors, pourquoi encore hésiter à troquer sa vie étriquée contre une vie passionnante ?
Pierre Lugbull