En quelle langue Dieu parte-t-il ?

En quelle langue Dieu parle-t-il ?
Dans ma jeunesse, des amis alsaciens éprouvaient quelques difficultés à maîtriser les subtilités de la langue française. Les tutelles linguistiques successives avaient laissé des traces. Façon de détourner cette réalité, ils assénaient avec humour : « Sais-tu que Dieu parle allemand ? ». Avec un argument imparable : les premières paroles que Dieu adresse à l’homme sont « wo bist du ? ». Foi de Bible de Luther, l’Ecriture dans sa plus pure expression. Inutile de rétorquer que dans nos versions françaises Dieu dit « où es-tu ? ». Car comment faire confiance à ces traductions multiples que les Français publient alors qu’il n’y a qu’une Parole de Dieu ? Diantre !
J’ai connu un pasteur qui tenait un discours plus fondé bibliquement. En quelle langue Dieu a-t-il écrit de sa propre main les tables de la Loi ? En hébreu n’est-ce pas ? Preuve irréfutable que Dieu parle hébreu. Avec une conséquence immédiate : les chrétiens doivent apprendre l’hébreu, de toute urgence. Sinon, comment chanteront-ils au ciel les louanges du Seigneur ? Exclus de la chorale céleste ! La sanction laisse sans voix…
Au fil des siècles, c’est le latin qui a été imposé comme seule langue digne de Dieu. Le français était une langue trop vulgaire (nos amis alsaciens avaient donc raison !). L’ange Gabriel dut renoncer au langage araméen de l’époque pour s’adresser à Marie. Le latin était la véritable langue de Dieu.  Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum… Gabriel, messager de Dieu, avait autrefois déjà porté le message de Dieu à Daniel. En quelle langue ?
Et voilà que quelques siècles plus tard, Mohamed affirme avoir reçu un message de Dieu toujours dicté par Gabriel. Surprise, le message est en arabe cette fois ! Impossible de le traduire sans lui faire perdre sa sainteté, chaque mot étant revêtu de la sainteté de Dieu. Allāhu ākbar Ashhadu an lâ ilâha illâ Llâh… Même ainsi transcrite, la sainteté de la prière est ternie, seule l’écriture arabe faisant foi.
Les siècles passent… Ali, habitant  du Burkina Faso, est éduqué dans cette foi islamique. Un jour, des linguistes lui proposent de les aider à traduire dans sa langue des histoires qui parlent de Dieu. Le voilà confronté à une Bible version française Louis Segond. Quelques extraits choisis, premiers jets de traduction, discussions sur le sens, confrontations avec différents auditeurs, les premiers textes bibliques en dzùùn prennent forme.
Une chose interpelle particulièrement Ali : il serait possible de dire à Dieu tout ce qu’on a dans le cœur, comme les auteurs des Psaumes ? Cela l’intéresserait plus que les prières rituelles en arabe classique ? Or le cœur d’Ali ne bouillonne ni en arabe, ni en français, mais en dzùùn. Ali hésite à y croire : Dieu comprend sa langue de cœur et il désire lui parler dans cette langue… Dieu parle donc dzùùn !
Dieu parle dzùùn, c’est sûr… mais si vous affirmez qu’Il parle votre langue, Ali ne vous contredira pas. Il en sera même réjoui.
Pierre Lugbull