Ah, l’animal !

Parmi les personnalités dont Montbéliard s’honore d’être la patrie, figure le Docteur Louis Beurnier. Goûtant avec gourmandise la vie parisienne de la Belle Epoque, le couple Beurnier n’eut pas d’enfant. Il reporta son affection sur Kiki, un fox terrier. Pas question de manquer son anniversaire ; les parents restés à Montbéliard envoyaient leur cadeau, et en retour, arrivait une lettre de remerciements touchante de Kiki : « Mes chers grands-parents, etc… ». On soupçonne Louis Beurnier d’avoir tenu la patte à son chien, mais l’essentiel était là : Kiki avait sa place dans l’arbre généalogique au même titre que la parenté humaine.

Le besoin de compenser un manque était certes compréhensible dans cette famille. D’ailleurs, la vogue des animaux de compagnie en dit long sur les manques affectifs d’aujourd’hui. Et le chien a un avantage décisif sur l’être humain : « Lui, au moins il me comprend ; il est toujours heureux de me voir… ».

N’est-il pas sain d’avoir de la compassion, voire de l’amour pour ces animaux auxquels « il ne manque que la parole » selon une expression bien établie ? Des « êtres sensibles » selon la loi L214 : émotion, plaisir, souffrance sont leur lot comme chez tout être humain. La comparaison est lâchée. Kiki le petit-fils Beurnier, Médor mon compagnon de vie… au nom de quoi établir une différence de statut entre humain et animal ? De certaines ressemblances, nous voici arrivés à l’égalité.

Le débat remonte à l’antiquité mais revient avec force : comment peut-on brutaliser ces êtres sensibles, avoir aussi peu de compassion à leur égard ? Le coupable serait, une fois de plus, le christianisme, imposant sa vision anthropocentriste : l’homme au centre. Selon certains animalistes, les écrits juifs placent les animaux à égalité avec les humains : « Louez l’Eternel… animaux et tout le bétail, reptiles et oiseaux ailés » (Psaume 148). Mais le Dieu des chrétiens s’est fait homme au bénéfice des seuls hommes, sans respect pour les autres espèces…

Ainsi s’égarent les raisonnements quand on perd toute référence. Le philosophe athée militant, Michel Onfray, câliné par les médias pour ses talents de polémiste, se fait une joie de présenter un Christ spéciste. Spéciste ? Oui, un délinquant établissant une hiérarchie entre espèces vivantes. Une sorte de raciste revendiquant une race supérieure, l’homme.

Ces antispécistes devraient se méfier de leurs raisonnements. Les premières lois européennes sur la protection des animaux ont été promulguées en Allemagne entre 1933 et 1935. Le pouvoir nazi promouvait une nature déifiée apte à communiquer ses forces mythiques à la race pure. Toute maltraitance animale était punie de camp de concentration. Entre le loup et l’homme prédateur, mieux valait éliminer l’homme.

Bien loin des spéculations hasardeuses des antispécistes, la Bible tient un tout autre langage. Dès leur création, Dieu déclara bons les animaux et il les bénit (Genèse 1 :21-22). Puis il les confia aux soins de l’homme, lui faisant constater qu’aucun n’était son vis-à-vis (Genèse 2 :19-20). Une vision saine. Tout est dit.

Pierre Lugbull