L’air qu’on respire

Il paraît que l’atmosphère de nos logements est infestée de toutes sortes de composés chimiques. Ils seraient plus de 800 à en vouloir à notre santé. Aucun moyen d’y échapper : le mobilier, les ustensiles ménagers, les produits de nettoyage ou de toilette, les vêtements et chaussures, les boissons et même la nourriture, tout exhale ces effluves nocifs. Mais pas de panique : ouvrir nos fenêtres et aérer 10 minutes suffit à assainir nos pénates.
Tiens, l’atmosphère extérieure serait source d’air pur. Pourtant on m’assure que gaz d’échappement des véhicules, fumées des chauffages, rejets des usines, tout concourt à l’encrassement inexorable de mes bronches. Alors, ouvrir mes fenêtres n’est pas si prudent que cela.
J’ai la solution : déménager à la campagne… Quelle erreur ! Les pesticides m’y attendent. Le vrai bon miel n’est-il pas celui produit en centre-ville où les phytosanitaires ont disparu ? La campagne, c’est aussi affronter les gaz émis par les ruminants : dioxyde de carbone ou méthane. Il ne faut pas se fier à l’allure débonnaire des montbéliardes.
Alors, partons vers les terres inexploitées, là où la nature n’est pas polluée par l’activité humaine. Pas si vite ! Sans mesures préalables, c’est risqué. Mesures de quoi ? De radon, bien sûr, ce gaz radioactif que le terroir nord franc-comtois émet plus qu’il ne faudrait. Depuis la nuit des temps nos ancêtres ignorants ont laissé le radon les détruire.
Pourquoi ne pas alors tenter la lande bretonne sauvage. Quelle erreur ! Ce serait risquer sa vie. Pas de radon cette fois, mais la radioactivité particulièrement élevée du granit breton. Tant de générations ont ignoré le danger qui rôdait. Heureusement, maintenant nous savons… et nous tremblons.
Nous connaissons tellement de choses que nous ne savons plus où nous tourner. Tout ce que l’homme a créé au cours des siècles est devenu suspect. Et si même la nature la moins domestiquée veut aussi notre mal, que faire ? Sensation angoissante d’être pris au piège : le danger est partout.
La Bible nous raconte que les juifs pratiquaient de longues ablutions rituelles avant de manger. Par souci de se préserver de toute impureté. Jésus encourage ses disciples à relativiser ce risque (Matthieu 15 :2). Inconscient des maladies, Jésus ? Ce serait faire injure à Celui qui a guéri tant de malades. Il n’encourage certes pas au manque d’hygiène, mais à hiérarchiser les dangers. Le véritable risque vital, ce sont les souillures ne passant ni par les narines, ni par le tube digestif, mais par les yeux ou les oreilles. Celles-là échappent aux mesures, mais font des ravages.
Jésus est avant tout soucieux de libérer des peurs récurrentes qui empêchent de vivre : les ressources financières, la nourriture, l’air que nous respirons (Matthieu 6 :25-34). Il sait dans quel monde nous vivons, mais c’est justement là qu’il nous veut, témoins d’un avenir fait non pas d’angoisse, mais de vie et d’espérance joyeuse. Alors ouvrons nos volets et nos fenêtres ! Le monde a besoin de lumière (Matthieu 5 :14-16).
Pierre Lugbull