On l’appellait Ramon ! 

On l’appelait Ramon !
Vous ne connaissez pas Ramon ? C’est normal, il était de ceux à qui on ne prête pas trop attention. Pas étonnant qu’il ait choisi de disparaître discrètement pendant les vacances d’été. Le 21 août 2017, Ramon est mort.
Pourtant il arpentait les rues de la ville depuis longtemps. Depuis si longtemps qu’on ne savait plus trop quel était son âge. Et au-delà d’un prénom, quel nom de famille ? C’est étrange de parler de famille alors que ses passages épisodiques chez sa mère étaient devenus insupportés. Il faut dire qu’il se pliait mal à une discipline de vie. Mais cela appartient à un passé révolu : Ramon est mort.
Qu’est-ce qui n’avait pas fonctionné chez lui ? Etait-il la victime d’une société excluant les plus faibles ? Etait-il un profiteur d’une société assistant les fainéants ? Etait-il équipé de ressources intellectuelles suffisantes ? Chacun jugera en fonction de ses a priori. Seule certitude, il était devenu esclave de passions qui le rongeaient physiquement. C’est ainsi que Ramon est mort.
Il ne faisait pas partie de ces vagabonds ameutant la population autour d’eux au fur et à mesure de l’élévation de leur degré alcoolique. Plutôt discret Ramon, presque un philosophe ! Un philosophe regardant le monde s’agiter avec un certain sourire où pointait l’ironie. Certes, philosophe facile de la paresse, mais aussi choix assumé par une vie de dénuement. Le philosophe n’est plus, Ramon est mort.
Pourtant il n’était pas indifférent aux belles choses ; il savait exprimer sa fierté quand il arborait un nouveau pull. Son épiderme aurait certainement apprécié bénéficier du même souci avec plus régulièrement un peu d’eau et de savon. Mais quelle importance désormais ? Ramon est mort.
Il appréciait aussi le café, le lait et les parts de gâteau offerts chaque après-midi par des personnes sensibles à sa vie décousue. Il abusait volontiers de leur gentillesse, un sourire au coin des lèvres. Il avait aussi pris quelques habitudes de décrassage bienvenues. Qu’a-t-il retenu des 20 ans de cet accueil bienveillant ? Qu’a-t-il retenu de ce qu’il y a entendu de l’amour de Dieu ? Nous ne le saurons jamais, Ramon est mort.
Cette vie valait-elle la peine d’être vécue ? A qui en attribuer la responsabilité ? A son propre péché ? A celui de ses parents ? A Dieu ? A la société ? Ces questions ont été posées à Jésus. Sa seule réponse a été : Changez vous-mêmes de comportement, sinon vous risquez de mourir de la même manière.
La presse abonde de nécrologies locales décrivant la banalité de vies réduites à la pratique de quelques activités, avant de se clôturer par la mort de celui ou celle dont on essaie de brosser l’existence. Vécus tellement opposés à celui de Ramon ? Des vies différentes certes, mais faites aussi de tellement de vide.
Pour Ramon pas de faire-part de décès, aucune nécrologie. Il fallait rattraper cela pour lui.
Et nous ? Notre vie a-t-elle un contenu aussi solide que nous le pensons ?
Pierre Lugbull