« Donner du sens » ?

Bien que nous soyons noyés par une quantité importante d’informations, il serait dommage de rester silencieux sur l’actualité.
De ce que je vois et entends, c’est souvent la question du sens qui se pose en filigrane.
On fait des marches pour donner du sens, on fait des minutes de silence pour donner du sens. On se retrouve les uns avec les autres pour donner du sens et être solidaires des uns et des autres.
Tous ces efforts de solidarité sont remarquables et ô combien nécessaires. Mais un sens à l’insensé de l’actualité est-il réellement trouvé là ? Il ne faut pas longtemps pour que le monde se divise de nouveau sur les mêmes questions et les mêmes crises qui les ont unies précédemment. Cela voudrait-il dire que le sens trouvé a soudainement été perdu ? Comment faire pour le retrouver ?
L’Écclésiaste nous rejoint beaucoup dans notre quête de sens. Il nous rejoint dans cet espèce de désespoir dû au rythme dans lequel le monde nous mène parfois… souvent.
En effet, comme il le dit si bien : «Il y a un temps pour tout sous le soleil » (chapitre 3). Évidemment c’est le cas. Toute personne vivant sur cette terre s’en est, à un moment ou un autre, aperçu. Tout le monde l’a vécu.
Selon les circonstances, ces paroles peuvent aisément nous réconforter ! Quand on passe par des moments difficiles on n’attend plus qu’une seule chose : la délivrance, la solution aux problèmes. On pense alors à cet autre adage plus mondain : « Après la pluie le beau temps ! ».
Mais les paroles de l’Écclésiaste sont aussi difficiles à entendre. En particulier quand tout va bien et que le monde s’écroule sous nos pieds, tout d’un coup, sans prévenir. Quand on se prépare à regarder des feux d’artifice en famille au bord de l’eau et que l’impensable se produit… C’est alors l’enfer, le lieu de tous les pourquoi (qui demeurent la plupart du temps sans réponse).
D’une certaine manière je me demande si, tout en l’ignorant, nous ne pensons pas comme l’Écclésiaste. Nous sommes évidemment reconnaissants lorsque tout va bien, lorsque tout va mieux, mais partons en quête de « sens » lorsque tout va mal. Et plus encore nous aimerions être délivrés de ce cycle infernal duquel nous ne pouvons pas sortir. Car ce que nous aimerions, tout autant que l’Écclésiaste, c’est pouvoir vivre de belles choses sans avoir la crainte qu’une nouvelle tuile nous tombe sur la tête. Ce que nous aimerions, c’est vivre de belles choses sans que celles-ci soient amoindries, ébranlées par toutes celles qui sont laides, ignobles, lâches, terrifiantes…
« On n’en peut plus », « il faut que cela cesse », « jusques à quand ? »… Par ces réactions que nous entendons à tous les micros, nos concitoyens nous disent leur attente d’un monde nouveau, d’un bonheur inaltérable, d’une paix à durée illimitée…

Cette attente et cette soif sont sûrement les conséquences de ce que l’Écclésiaste nous dit en partie : « Dieu a mis en nous la pensée de l’éternité » (chapitre 3. 11).

Défaitistes, découragés, déçus, désespérés ? Nous avons sûrement de bonnes raisons de l’être si nous ne regardons qu’à ce monde et à son rythme infernal. Le « sens » que l’on donne aux rassemblements, aux marches blanches, et à ce type d’événements nécessaires et remarquables finira par s’évaporer, être diluer par des pensées… électorales…

Ne cherchons pas à « donner sens » à ce qui est fou mais questionnons cette « pensée de l’éternité » en nous, cette soif d’un monde nouveau.

Ce faisant, je souhaite que nous trouvions Celui qui en est l’auteur. Ainsi nous ne tenterons plus de donner du sens à ce qui n’en n’a pas − c’est difficile et périlleux − mais recevrons les paroles d’espérance qui viennent d’en haut : « Voici, je fais toutes choses nouvelles ! » (Apocalypse 21.5).

Kévin Commere