Éli meurt âgé et… lourd

Texte de référence 1 Samuel 4

Nous voici dans la ville de Silo aux côtés d’Éli. Avec ses deux fils Hophni et Phinéas, Éli s’acquitte de ses fonctions de prêtre dans la maison du Seigneur. Éli est un personnage important car c’est lui à qui a été confié le jeune Samuel, l’enfant qu’Anne, femme stérile, a consacré entièrement au service du Seigneur. Éli a joué un rôle important pour ce garçon lui permettant de se mettre à l’écoute du Seigneur. Avec une position privilégiée dans le culte du Dieu d’Israël et un jeune garçon prometteur à qui le Seigneur semble faire jouer le rôle de prophète (1 Samuel 3. 21), Éli avait de quoi se réjouir !

Mais voilà, le tableau n’est pas tout à fait aussi rose. En effet, en 1 Samuel 4, Éli est inquiet. Plus encore même : « son cœur tremblait pour l’arche de Dieu » nous dit le verset 13. Car pour une raison que le lecteur peine à comprendre, les Israélites se sont mis en tête d’aller attaquer les redoutables et redoutés Philistins ; ces voisins que le peuple aurait dû faire disparaître lors de l’entrée en Canaan selon l’ordre du Seigneur. Mais c’était sans compter sur un peuple aussi rebelle que les Hébreux, marchant souvent à contretemps du plan fixé par Dieu. Résultat des courses : les fils d’Éli meurent au combat et l’arche de Dieu est prise par les ennemis. À cette dernière nouvelle, le cœur tremblant d’Éli s’arrête, paralysé par l’effroi d’une nouvelle qu’il n’aurait jamais voulu entendre…

Le reste du récit est tragique mais un détail vient également assombrir le portrait d’un personnage jusque-là exemplaire. En effet, tombant de son siège, Éli « se rompit la nuque et mourut : car c’était un homme vieux et pesant » (verset 18). Tiens, depuis quand le texte biblique s’intéresse-t-il à la constitution physique des personnes âgées ? Ce sont d’autres types de handicap, qui le plus souvent, ont été mentionnés avant la mort de personnages importants. On se souvient de la cécité d’Isaac par exemple. Mais pour le poids, c’est une première ! Faut-il y voir la raison pour laquelle Éli s’est rompu la nuque si facilement ? Nous pourrions en effet nous en contenter. 

Mais ce serait sans compter sur une certaine ironie du texte. Car quelques chapitres plus tôt, nous apprenions qu’un homme de Dieu était venu voir Éli pour lui communiquer des paroles de jugement (2. 27). En effet, les fils d’Éli n’étaient pas des prêtres exemplaires, au contraire ! Tous deux pratiquaient l’injustice en se réservant les meilleures portions des sacrifices apportées par les adorateurs du Seigneur. Mais surprise, l’homme de Dieu semble ne pas s’arrêter au comportement des fils d’Éli. Non il semble inclure Éli lui-même : « Pourquoi honores-tu tes fils plus que moi, afin de vous engraisser des prémices de toutes les offrandes d’Israël, mon peuple ? »  lui dira cet envoyé du Seigneur (2. 29). Les torts d’Éli sont doubles : avoir laissé ses fils agir de la plus mauvaise des façons d’une part, et se laisser inviter à la table grassement fournie de ses fils d’autre part… 

À force de se rassasier des morceaux les plus adipeux (normalement réservés au Seigneur), Éli en est devenu lourd. Lourd d’une faute, à priori succulente !, qui l’amènera à se briser la nuque en tombant de sa chaise… Plus qu’un détail, son poids s’est avéré l’instrument de son jugement. Et voilà pourquoi… c’est important ! 

Kévin Commere