Œil pour œil, dent pour dent

Texte de référence : Matthieu 5. 38ss

Nous voici aux côtés des disciples de Jésus. Jésus est en train de livrer un enseignement que Matthieu compilera pour en faire ce que nous appelons le « sermon sur la montagne ». Même s’il dépassera de loin l’enseignement donné par les religieux de son temps, l’enseignement de Jésus n’est pas tout à fait nouveau. Le lecteur averti sera même surpris de lire autant de références aux commandements déjà présents dans les livres de la loi de Moïse. Oui, Jésus a été révolutionnaire, mais pas toujours de la manière à laquelle on aurait pu s’attendre. 

Dans ce passage, Jésus redonne ses lettres de noblesses à la Loi du Talion. À l’époque de Moïse, cette loi avait été donnée au peuple de Dieu comme un cadeau. En la prenant dans son contexte historique et social, le lecteur peut comprendre que cette loi était une avancée remarquable. En effet, au lieu de se venger démesurément d’un méfait subi, Dieu recommandait de ne pas aller au-delà de la blessure ou du mal infligé. Cela nous paraît certes lointain, logique, mais à l’époque, les vendettas entre tribus voisines n’étaient pas rares… (c’est d’ailleurs resté actuel : la police ne peut réagir que par une riposte « proportionnée » !)

Avec Jésus, la Loi du Talion n’est donc pas tout à fait abrogée mais une autre voie semble s’ouvrir : celle de l’amour parfait. Un amour qui veut comprendre et ainsi désamorcer la colère du prochain. Mais un détail est d’importance. Celui-ci ne se trouve pas dans ce qui est dit, mais au contraire, dans ce qui est tu. Dans sa citation de la loi mosaïque, Jésus n’est pas très précis. En effet, avant de mentionner les yeux et les dents (“œil pour œil, dent pour dent”), tous les textes font mention d’un couple bien plus précieux : « vie pour vie » ! (cf. Exode 21 – Deutéronome 19 – Lévitique 24).

À l’évidence, les contradicteurs pourront toujours dire qu’une fois mort, ni la vengeance, ni l’amour du prochain ne sont possibles. Une fois la vie d’un individu ôtée, celui-ci ne peut évidemment plus agir. Mais dans les textes d’Exode, de Lévitique et de Deutéronome, ce sont bien les vengeances mortelles au nom du défunt que l’on souhaite éviter. Ainsi, Jésus aurait pu commenter la Loi du Talion en commençant par le couple « vie pour vie ». Mais il ne l’a pas fait. S’agissait-il d’une simple omission ou d’une volonté mûrement réfléchie ?

La dernière solution me paraît plus proche de la pensée du Jésus de l’Évangile. Et dans ce cas, que ce soit en temps de guerre, dans un contexte judiciaire ou autre, le silence de Jésus quant à la possibilité de prendre la vie d’autrui devrait, au moins, nous interroger. Et voilà pourquoi… c’est important ! 

Kévin Commere