Expérience à céder : cherche repreneur !

Expérience à céder : cherche repreneur !
Vous les connaissez ces expressions qui inondent les écrits et les discours. Elles sont bien pratiques pour tout auteur ou orateur en mal d’inspiration. Il suffit d’en enfiler quelques-unes pour sembler avoir dit quelque chose. Quelque chose en phase avec l’air du temps. Les chaînes d’infos en continu n’y sont sans doute pas pour rien. Le problème est que ces facilités de langage prennent racine en nous et remplacent la réflexion nécessaire.
Bon, me voilà pris au piège ! Comment écrire encore quelques lignes sans me laisser entraîner à la facilité d’un de ces truismes ? Eh oui, une bonne occasion d’oser un mot qui nous sortira du courant ! Selon les dictionnaires, le truisme est une vérité d’évidence, une banalité.
Ainsi mis en garde, tentons d’aborder quelques-unes de ces expressions « virales », comme on dit depuis le règne d’internet. Nous savons tous que nous sommes dans un monde qui change, bousculant les repères traditionnels ; un monde où le jeunisme fait la loi, mais où la jeunesse est sacrifiée ; un monde où les seniors n’ont plus accès à l’emploi, mais s’épanouissent dans une vie de loisirs… Les évidences n’hésitent pas à s’annihiler l’une l’autre.
Toutes ces banalités tournent autour d’un thème qui préoccupe chacun, d’où leur succès : la vie est faite d’instants qui passent très vite. Ce que nous avons cru solide à un moment ne l’est pas tant que ça. Et de façon plus personnelle, quelle trace laissons-nous, que transmettons-nous ?
On vous dit alors : votre expérience, voilà le bien précieux à transmettre. L’écrivain Roland Dorgelès répond crument : « L’expérience, c’est comme un cure-dent ; personne ne veut utiliser celui d’un autre ». On vous avait prévenu : le monde change et n’a rien à faire de votre expérience dépassée. Voyez peut-être un musée.
Mais avant de penser à la succession, qu’est-ce que je fais de ma propre expérience ? Force est de constater que je retombe trop souvent dans les mêmes erreurs, les mêmes travers. Pourtant j’en ai déjà fait l’amère expérience. Si l’on hérite peu de l’expérience des autres, on peine aussi à se nourrir de son propre vécu.
L’expérience dilapidée, c’est l’histoire millénaire du peuple israélite. Sans cesse les mêmes erreurs de parcours, les mêmes mauvais choix et les mêmes avertissements de Dieu. La Bible consacre  quelques centaines de pages à ce constat : comme quoi il est essentiel. Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Ces choses–là sont arrivées à nos ancêtres pour nous servir d’exemples. On les a écrites pour nous avertir » (1 Corinthiens 10:11). Pierre ne dit pas autre chose : « La façon de vivre que vous avez reçue de vos ancêtres ne menait à rien. Mais vous le savez, Dieu a payé un grand prix pour vous libérer de cette façon de vivre » (1 Pierre 1:18).
Les mauvais choix, les miens ou ceux des autres… ne seraient-ils pas finalement l’expérience la plus précieuse reçue en héritage ?
Pierre Lugbull