Jeudi (temps de Pâques)

« En fait ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’était chargé ; et nous, nous le pensions atteint d’un fléau, frappé par Dieu et affligé. Or il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes ; la correction qui nous vaut la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. Nous étions tous errants comme du petit bétail, chacun suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait venir sur lui notre faute à tous. » Ésaïe 53.4-6
« C’est à peine croyable… ! » Telle peut être notre réaction lorsqu’on est spectateur concentré d’un film à intrigue ou d’un match de sport à enjeu et que le scénario envisagé vole en éclat pour nous offrir une fin tout à fait différente de ce que l’on avait imaginé, acté.
Au clap ou au coup de sifflet final, on fronce les sourcils, on ouvre la bouche, on lève les mains au ciel dans un signe d’incompréhension, on ne dit rien… et puis c’est un flot de questions qui dans un instant brisera ce petit silence qui semblait durer bien plus longtemps en réalité.
« Mais attends, je pensais que…», « mais moi aussi, il me semblait que… », « là j’ai loupé quelque chose, il me manque un élément pour comprendre, c’est pas possible… », etc. Voilà ce qu’il en est lorsqu’il se passe quelque chose de complètement inattendu. Et petit à petit, les questions, les analyses, les statistiques, l’observation et la critique vont venir mettre des mots pour expliquer au spectateur exactement ce qu’il aura vécu ou ressenti. Expliquer ce qu’il doit maintenant comprendre. Avec, bien souvent (en français en tout cas), deux petits mots très importants : « En fait » (v.4).
C’est ainsi que commence l’autopsie d’Ésaïe. Autopsie ? Pardonnez moi l’utilisation de ce mot qui fera sans doute l’effet d’un électrochoc. Pour autant je crois qu’il correspond à ce qui est véhiculé ici. Et après tout, n’est-ce pas choquant ?! Pardon de reposer la question mais c’est important : n’est-ce pas choquant ? 
La meilleure façon de passer à côté de la croix de Jésus-Christ n’est pas d’éprouver révolte ou colère intérieure, mais indifférence.
Dans la progression qui nous est offerte par Ésaïe, on est à la place de ce même spectateur qui voit le sol se dérober de sous ses pieds parce qu’il est en train de comprendre ce qui vient tout juste de se passer. Dans cette démarche il est bouche bée parce qu’il est en train de comprendre que tout cela est de sa faute. La sienne et celle de tous ceux qui partagent son humanité.
En ce moment, il est trop tôt pour la reconnaissance, elle n’est d’ailleurs jamais mentionnée dans ce texte (!). Par contre on refait le match. Comme pour se persuader tellement la chose est à peine croyable. Comme pour s’approprier la chose à nouveau. « Ah mais en fait, voilà ce qui vient de se passer, et moi je n’avais rien compris au film… ». Du coup il faut le revoir, rembobiner pour comprendre plus profondément. Comprendre qu’on était responsable (chacun pour sa part), et qu’on n’a pas vu que dans notre responsabilité à fouetter l’innocent se trouvait la source de notre pardon. Plus les coups étaient violents, et plus notre pardon était profond. Plus la haine motivait les hommes et plus l’amour divin coulait à flot. Plus la mort transperçait son cœur, plus la vie s’apprêtait à inonder le nôtre…
Aujourd’hui jeudi, en ce temps de Pâques, rembobinons. Restons silencieux.
Et puis dans un avenir certain, ayant compris et médité ce qui s’est passé sur cette poutre en bois, nous pourrons dire comme le centurion : « Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu » (Matthieu 27.54).
« En fait ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’était chargé ; et nous, nous le pensions atteint d’un fléau, frappé par Dieu et affligé. Or il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes ; la correction qui nous vaut la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. Nous étions tous errants comme du petit bétail, chacun suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait venir sur lui notre faute à tous. » Ésaïe 53.4-6