Sainte Teresa

Sainte Teresa de Calcutta
Mère Teresa  est désormais entrée dans le cercle prestigieux des Saints. Ainsi en a décidé un tribunal religieux romain. Au cours des siècles, quelque dix mille hommes et femmes ont ainsi été jugés dignes de ce statut. Le gouvernement céleste devra donc procéder à un petit remaniement pour faire place à la nouvelle entrante : une sainte qui sera priée par les abandonnés de la terre. Car elle, la mère des délaissés de Calcutta, devrait comprendre leur désespoir. Pauvre Mère Teresa qui ne connaîtra pas le repos, la détresse humaine continuant à la solliciter même après sa mort. Pas facile d’assumer le statut de Sainte.
Mère Teresa a suscité l’admiration, mais a eu aussi ses détracteurs. Selon eux, elle aurait dû apporter des soins médicaux plutôt qu’accompagner les derniers instants des mourants dans les rues : point de vue d’occidentaux… La vraie part d’ombre de cette petite femme est ailleurs.
Elle qui disait avoir reçu un appel clair à servir les plus méprisés, a connu par la suite le désespoir face au silence de Dieu. Pour elle, faire sienne la souffrance des plus petits était le chemin d’accès à Dieu. Partager l’agonie de chaque mourant, c’était revivre l’agonie du Christ. Jusqu’à ne plus distinguer la résurrection. La noirceur du quotidien avait éteint l’espérance. Sainte Teresa de Calcutta, rongée par cette nuit intérieure, ne sera pas d’un grand secours aux désespérés de la terre. Pas plus que les autres Saints du calendrier.
Néanmoins, il est étonnant que des personnes affichant leurs convictions anti-religieuses se soient élevées contre cette canonisation. Le martyrologe des Saints n’est pourtant pas leur bréviaire. Mais, pour rendre la vie moins grise, on a besoin de personnages mythiques plus ou moins exemplaires. Et pas question qu’ils déçoivent ! On est avide de saints laïques à vénérer, on attend l’homme providentiel que l’on clouera au pilori au premier écart. Un besoin vital de lumière pour lutter contre la désespérance d’un quotidien incertain. Et les candidats à dispenser leur lumière artificielle ne manquent pas.
En son temps sur terre, Jésus a connu la propension de certains à viser la canonisation : ses disciples Jacques et Jean en étaient déjà ! (Marc 10 :35-40). Jésus les a ramenés vertement à la raison.
Les Saints existent-ils ? En préambule d’une lettre, l’apôtre Paul écrit : « A l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été consacrés en Jésus–Christ et qui sont saints par appel, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus–Christ, qui est leur Seigneur comme le nôtre » (1 Corinthiens 1:2). Même déclaration aux chrétiens de Rome, d’Éphèse ou ailleurs : ceux qui ont accepté Jésus comme Sauveur et comme Seigneur de leur vie sont tous saints… par décision de Dieu et non par leurs mérites. Considérés saints par Dieu, uniquement par grâce. Par son sacrifice, Jésus a couvert leurs faiblesses.
La sainteté est finalement d’une facilité d’accès déroutante… mais ça donne un coup à notre ego.
Pierre Lugbull